


Les autorités françaises poursuivent leur mobilisation contre les plateformes d’e-commerce diffusant des produits non conformes ou illicites. Dans le viseur : Shein, acteur majeur du commerce en ligne transfrontalier, accusé de vendre des articles dangereux et de diffuser des contenus prohibés.
Cette affaire, d’une ampleur inédite, illustre les nouvelles synergies entre la DGCCRF, la Douane, le Parquet et les autorités européennes dans la mise en œuvre du Digital Services Act (DSA) et des règles françaises de protection du consommateur et de l’ordre public.
Les premières investigations de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) ont révélé la commercialisation, sur la plateforme Shein, de poupées sexuelles à caractère pédopornographique, ainsi que d’autres contenus à caractère pornographique accessibles sans mesure de filtrage.
Ces faits relèvent de plusieurs infractions pénales particulièrement graves :
En application de l’article 40 du Code de procédure pénale, la DGCCRF a immédiatement signalé les faits au procureur de la République et saisi l’ARCOM, régulateur compétent en matière de contenus en ligne, afin d’évaluer la responsabilité de la plateforme au titre de ses obligations de modération.
Trois voies procédurales parallèles ont été initiées :
Dans le prolongement de ces procédures, la Direction générale des Douanes et Droits indirects (DGDDI) a conduit une opération inédite à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, visant 200 000 colis en provenance de Shein.
Les contrôles effectués sur le fondement des articles 38 et 414 du Code des douanes et du règlement (UE) n° 765/2008 ont révélé que huit articles sur dix étaient non conformes ou dangereux :
Ces constats ouvrent la voie à des mesures de retrait, de destruction et à des amendes douanières pouvant atteindre le double de la valeur des marchandises litigieuses, ainsi qu’à d’éventuelles poursuites pour importation de produits dangereux (article L. 423-1 du Code de la consommation).
Au-delà de la seule répression nationale, l’affaire Shein s’inscrit dans le cadre plus large du régime de responsabilité graduée instauré par le Digital Services Act.
Celui-ci impose aux plateformes de très grande taille :
Le manquement à ces obligations peut entraîner des amendes administratives allant jusqu’à 6 % du chiffre d’affaires mondial (article 74 du DSA).
La DGCCRF a d’ores et déjà annoncé l’extension de ses contrôles à d’autres plateformes d’origine extra-européenne commercialisant des produits similaires.
L’affaire Shein illustre le nouveau mécanisme de coopération transfrontalière entre les États membres prévu par le DSA (articles 50 et suivants) et la montée en puissance des contrôles de conformité menés par les autorités nationales sur les flux de e-commerce internationaux.
Elle préfigure également une responsabilisation accrue des plateformes quant à leurs obligations en matière :
Cette affaire marque un tournant dans la régulation des plateformes de commerce en ligne hors UE.
D’une part, elle confirme la volonté des autorités françaises et européennes d’appliquer strictement les obligations de conformité et de transparence imposées par le DSA.
D’autre part, elle met en lumière la fragilité du modèle économique de certaines plateformes fondé sur une externalisation totale de la chaîne de conformité.
La combinaison des outils nationaux (DGCCRF, Douanes, Parquet) et européens (DSA, coopération entre coordinateurs) inaugure une ère de responsabilité intégrée du commerce en ligne mondial.

