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Actualité
1/12/25

Quand deux robes font scandale : un clip à 14 millions de vues… et une styliste qui oublie de mentionner le nom de la créatrice

Le Tribunal judiciaire de Paris (TJ Paris, 5 novembre 2025) a récemment tranché un litige singulier autour de deux robes prêtées pour un clip musical très largement diffusé. La créatrice des modèles estimait que leur utilisation, sans mention de son nom, portait atteinte à ses droits. Sous des dehors anecdotiques, deux robes scintillantes, une artiste pop et un clip à près de quatorze millions de vues, l’affaire aborde pourtant trois questions juridiques essentielles : l’originalité en droit d’auteur, l’engagement de la responsabilité extracontractuelle en cas de manquement contractuel affectant un tiers, et la qualification d’un comportement parasitaire.
Vous pouvez consulter directement la décision en cliquant sur le lien ci-après.

1. L’échec du fondement en contrefaçon faute d’originalité des modèles

La créatrice invoquait une atteinte à ses droits d’auteur, soutenant que les modèles « Bright Silver DC » et « Golden Lady DC » constituaient des œuvres de l’esprit protégées. Le tribunal rappelle toutefois que la protection du droit d’auteur n’est acquise qu’aux créations originales, c’est-à-dire à celles résultant de choix libres, créatifs et révélateurs de la personnalité de leur auteur.

Or, la description fournie (matières utilisées, tulle de soie, sequins, perles, pierres scintillantes, couleurs) restait cantonnée à des éléments techniques, habituels en couture. Les croquis présentés n’étaient ni datés ni clairement rattachés aux robes finalisées, et les défenderesses produisaient plusieurs modèles antérieurs très similaires, datés de 2017 à 2019. Ces éléments conduisaient le tribunal à considérer que les robes s’inscrivaient dans le fonds commun de la mode, sans singularité créative suffisante pour révéler une véritable empreinte personnelle.
À défaut d’originalité démontrée, les robes ne bénéficient pas de la protection du droit d’auteur et les demandes en contrefaçon sont rejetées (L.111-1 et L.112-2 CPI ; art. 16 CPC).

2. La styliste reconnue responsable pour avoir manqué à ses obligations contractuelles

L’absence de protection au titre du droit d’auteur n’épuisait pas le débat. La créatrice invoquait également un manquement au contrat conclu entre la styliste et la société Need Monet, contrat auquel elle n’était pourtant pas partie. Le tribunal rappelle qu’un tiers peut néanmoins invoquer un manquement contractuel lorsqu’il lui cause un dommage direct, sans avoir à démontrer une faute distincte de l’inexécution.

Or, le contrat de prêt du 27 juillet 2021 prévoyait des obligations claires : la styliste devait mentionner le nom ou l’enseigne de la créatrice lors de toute utilisation des robes et ne pouvait les exploiter que dans un cadre strictement défini, à savoir un shooting magazine et le tournage du clip musical.

Il était établi que la mention « D. Créations » n’apparaissait ni dans le clip ni dans les premières publications Instagram de l’artiste. Le manquement était d’autant plus manifeste que la styliste avait été explicitement rappelée à l’ordre par Need Monet. À cela s’ajoute une diffusion ultérieure d’un spot publicitaire sur W9, totalement extérieure à la destination contractuelle.

Le tribunal retient que cette inexécution contractuelle a causé à la créatrice une perte de chance de nouer de nouveaux partenariats ou d’obtenir des retombées commerciales, compte tenu de la visibilité très importante des contenus. Ce préjudice économique est évalué à 1 500 €, auquel s’ajoute un préjudice moral du même montant lié à l’absence de reconnaissance de son travail.

La styliste est ainsi condamnée à verser 3 000 € à la créatrice, ainsi que 5 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Les autres défenderesses, l’artiste et les sociétés de production, sont mises hors de cause : aucun mandat, aucune obligation contractuelle et aucun comportement fautif n’étaient établis à leur encontre (art. 1199, 1200, 1240, 1875 s., 1887, 1984, 1991 et 1998 CC ; Ass. plén., 13 janv. 2020).

3. Le parasitisme écarté faute d’intention de capter la valeur des créations

La créatrice soutenait également que les défenderesses s’étaient placées dans son sillage afin de tirer profit de la valeur visuelle de ses créations sans contrepartie, constituant ainsi un acte de parasitisme. Mais le tribunal rappelle que cette qualification suppose une intention délibérée de se placer dans le sillage d’un opérateur économique pour s’approprier indûment la valeur de son investissement.

Or, les sociétés de production avaient obtenu les robes via la styliste dans un cadre contractuel régulier. L’absence de mention du nom de la créatrice, si elle constitue un manquement contractuel imputable à la styliste, ne permettait pas d’inférer une stratégie concertée visant à capter la valeur économique de ces créations. Aucun élément ne révélait une volonté de se placer délibérément dans son sillage. Les demandes fondées sur le parasitisme sont donc rejetées (art. 1240 CC ; Cass. com., 3 juill. 2001 ; 5 mars 2025).

Conclusion

Cette affaire offre un triple enseignement :

  • l’originalité en matière de mode ne se présume pas et doit être démontrée avec précision,
  • un manquement contractuel peut engager la responsabilité d’un contractant envers un tiers lorsque ce manquement lui cause un préjudice direct,
  • le parasitisme ne peut être retenu qu’en présence d’une véritable intention de s’approprier la valeur économique d’autrui.

Elle illustre ainsi la vigilance accrue des juridictions en matière de créations de mode et de collaborations artistiques, et rappelle l’importance, pour les stylistes et les équipes de production, de respecter rigoureusement les obligations de crédit et les limites contractuelles.

Vincent FAUCHOUX
Image par Canva
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