Par lettre en date du 21 mai 2024, Jean-Philippe Mochon, président du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA), a confié à Madame le Professeur Valérie-Laure Benabou une mission relative aux « contenus générés par intelligence artificielle », dans un contexte marqué par une expansion rapide des usages de l’IA générative dans les domaines artistiques, culturels et techniques.
Cette saisine s’inscrit dans une volonté claire du CSPLA d’anticiper les mutations profondes de la création contemporaine et d’évaluer l’adéquation du droit existant, en particulier le droit d’auteur, face à ces nouveaux phénomènes.
Dans son courrier, le président du CSPLA souligne que les modèles d’IA générative « se développent avec une rapidité et une ampleur exceptionnelles » et « sont en train de bouleverser la chaîne de valeur de la création ». Il précise que la mission confiée vise à éclairer les pouvoirs publics sur les enjeux que soulèvent ces technologies dans une perspective juridique, économique et technique.
La lettre fixe six axes de réflexion :
Le président du CSPLA insiste sur l’importance de « concilier l’encouragement à l’innovation et le respect des droits des créateurs » dans une période de mutation rapide.
Cette mission française intervient dans un contexte international particulièrement mouvant.
Dans certains pays comme les États-Unis, l’approche reste aujourd’hui majoritairement restrictive, en considérant que les contenus générés par intelligence artificielle sans intervention humaine substantielle ne peuvent bénéficier d’une protection juridique au titre du droit d’auteur.
À l’inverse, des systèmes comme celui de la Chine envisagent déjà certaines formes de reconnaissance juridique pour les œuvres générées ou assistées par IA, lorsque l’apport humain est jugé suffisant pour fonder une protection.
Ces approches divergentes révèlent une tension croissante entre les logiques d’innovation technologique et les cadres classiques du droit d’auteur.
En confiant cette mission à l’une des meilleures spécialistes françaises du droit d’auteur, le CSPLA témoigne d’une volonté d’ancrer la réflexion dans les principes fondamentaux du droit de la propriété littéraire, sans pour autant se couper des réalités techniques et culturelles nouvelles.
Il serait regrettable que la réflexion française s’enferme dans une approche exclusivement conservatrice. On risquerait alors de reproduire le réflexe de rejet exprimé par Charles Baudelaire en 1859 à l’égard de la photographie, lorsqu’il craignait que cette technique ne soit jamais digne de rejoindre les beaux-arts, au risque, disait-il, de « perdre notre âme ».
L’histoire lui a donné tort. Ne recommettons pas la même erreur vis-à-vis de l’intelligence artificielle, en refusant de voir en elle un nouvel outil au service de la création humaine.