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OpenAI sanctionnée pour l’usage non autorisé de paroles de chansons
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Actualité
19/11/25

Tribunal de Munich : OpenAI sanctionnée pour l’usage non autorisé de paroles de chansons

1. Un jugement européen majeur sur l’usage d’œuvres protégées par l’IA

Par un jugement rendu le 11 novembre 20251, le tribunal régional de Munich (Landgericht München I) a condamné deux sociétés du groupe américain exploitant les modèles d’intelligence artificielle GPT-4 et GPT-4o pour violation de droits d’auteur portant sur des paroles de chansons.

Il s’agit d’une décision particulièrement structurante pour le régime juridique des modèles d’IA générative en Europe, tant en ce qui concerne l’entraînement des modèles que la génération de textes sur demande des utilisateurs.

La GEMA, société allemande de gestion collective des droits musicaux, agissait pour le compte des auteurs et éditeurs de neuf chansons allemandes populaires. Elle reprochait aux sociétés OpenAI :

  • d’avoir utilisé les paroles sans autorisation lors de l’entraînement des modèles,
  • et d’avoir permis leur restitution, complète ou partielle, dans les réponses générées par GPT-4.

2. Les faits : ingestion des textes et reproduction lors des requêtes

2.1. Les œuvres en cause

Les titres en question incluaient notamment Atemlos, Männer, Bochum, Junge, Über den Wolken et plusieurs chansons de Rolf Zuckowski — toutes protégées par le droit d’auteur.

2.2. Présence des textes dans l’entraînement

Les corpus utilisés pour entraîner GPT-4 et GPT-4o provenaient de vastes opérations de collecte automatisée (“crawling”) de pages web.

Les données d’entraînement comprenaient les paroles complètes des œuvres, alors que celles-ci n’étaient ni librement accessibles ni placées sous licence autorisant un tel usage.

2.3. Reproduction dans les réponses de l’IA

La GEMA a établi, démonstrations à l’appui, que les modèles :

  • restituaient des extraits significatifs ou quasi complets des paroles,
  • sans recourir à la moindre recherche Internet (cette fonction ayant été désactivée),
  • et ce de manière répétée, malgré la variation des formulations des prompts.

Les captures d’écran versées au dossier illustraient ces reproductions littérales ou quasi littérales.

3. Les questions juridiques soulevées

Le tribunal devait répondre à plusieurs questions fondamentales pour le droit de l’IA :

  1. L’entraînement d’un modèle sur une œuvre protégée constitue-t-il une reproduction ?
  2. La génération d’extraits de paroles constitue-t-elle une reproduction ou une mise à disposition du public ?
  3. Les exceptions de Text and Data Mining (TDM) peuvent-elles justifier un tel usage ?
  4. Le caractère statistique, probabiliste ou “hallucinatoire” des outputs peut-il exonérer l’opérateur ?
  5. Une société de gestion collective peut-elle obtenir des mesures d’interdiction aussi larges ?

4. Le raisonnement du tribunal

4.1. L’entraînement sur des œuvres protégées est une reproduction

Le tribunal adopte une approche volontariste :

Même si les modèles ne stockent pas les œuvres en clair, la faculté de générer des extraits reconnaissables démontre l’existence d’une fixation interne suffisante pour constituer une reproduction au sens du droit d’auteur.

Il importe peu que cette reproduction soit fragmentée, vectorisée ou mathématiquement transformée.

Si le modèle peut reconstituer l’œuvre, c’est qu’il en conserve une copie juridiquement pertinente.

4.2. Les outputs constituent des actes de contrefaçon

Lorsque GPT-4 produit des extraits de paroles :

  • il y a reproduction, à l’écran ou dans l’historique du chat ;
  • il y a mise à disposition, dès lors que les contenus peuvent être reliés, partagés ou réaffichés ;
  • il y a adaptation non autorisée lorsque l’IA génère des versions altérées.

Le tribunal rejette toute assimilation à un prestataire neutre ou purement technique.

4.3. Rejet des exceptions de Text and Data Mining

Les défenderesses invoquaient deux exceptions prévues par la directive DSM :

  • l’exception TDM à usage commercial (opt-out) ;
  • l’exception TDM à des fins de recherche scientifique.

Le tribunal rejette ces arguments :

  1. Un opt-out valable avait été formulé par la GEMA, interdisant tout usage des œuvres dans les modèles d’IA.
  2. Les sociétés exploitant GPT-4 poursuivent des objectifs commerciaux, incompatibles avec l’exception scientifique.

Le tribunal souligne que ces exceptions ne peuvent, en aucun cas, justifier l’entraînement de modèles commerciaux sur des œuvres protégées lorsque les titulaires s’y sont opposés.

4.4. Le caractère probabiliste des sorties ne constitue pas une excuse

L’argument selon lequel le modèle “hallucinerait” ou que la reproduction serait “accidentelle” est écarté sans ambiguïté :

La capacité du modèle à redonner un texte protégé résulte de son entraînement, ce qui suffit à engager la responsabilité de l’opérateur.

4.5. Rejet limité des demandes fondées sur le droit moral

Le tribunal estime que les altérations involontaires provoquées par le modèle ne caractérisent pas une atteinte à l’intégrité de l’œuvre.

Certaines demandes fondées sur le droit moral sont donc rejetées.

5. Les mesures prononcées

Le tribunal ordonne notamment :

  • l’interdiction d’utiliser les paroles dans les modèles GPT-4 et GPT-4o ;
  • l’interdiction de générer des extraits ou des versions adaptées des chansons en question ;
  • une obligation de divulgation des utilisations et revenus liés ;
  • la reconnaissance d’une responsabilité pour l’intégralité des dommages ;
  • une publication judiciaire ;
  • et la condamnation des sociétés défenderesses à supporter 80 % des dépens.

6. Portée et impact : une décision fondatrice

Cette décision du tribunal de Munich constitue un jalon majeur pour la régulation de l’IA générative en Europe :

  • l’entraînement des modèles est soumis au droit d’auteur, même sous forme transformée ;
  • les mécanismes d’opt-out doivent être respectés strictement ;
  • les opérateurs sont directement responsables des outputs ;
  • l’IA générative n’est pas assimilable à un moteur de recherche ;
  • l’Europe confirme sa position comme l’une des juridictions les plus exigeantes au monde en matière de protection des œuvres dans l’entraînement des modèles d’IA.
Vincent FAUCHOUX
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