


Par un jugement rendu le 11 novembre 20251, le tribunal régional de Munich (Landgericht München I) a condamné deux sociétés du groupe américain exploitant les modèles d’intelligence artificielle GPT-4 et GPT-4o pour violation de droits d’auteur portant sur des paroles de chansons.
Il s’agit d’une décision particulièrement structurante pour le régime juridique des modèles d’IA générative en Europe, tant en ce qui concerne l’entraînement des modèles que la génération de textes sur demande des utilisateurs.
La GEMA, société allemande de gestion collective des droits musicaux, agissait pour le compte des auteurs et éditeurs de neuf chansons allemandes populaires. Elle reprochait aux sociétés OpenAI :
Les titres en question incluaient notamment Atemlos, Männer, Bochum, Junge, Über den Wolken et plusieurs chansons de Rolf Zuckowski — toutes protégées par le droit d’auteur.
Les corpus utilisés pour entraîner GPT-4 et GPT-4o provenaient de vastes opérations de collecte automatisée (“crawling”) de pages web.
Les données d’entraînement comprenaient les paroles complètes des œuvres, alors que celles-ci n’étaient ni librement accessibles ni placées sous licence autorisant un tel usage.
La GEMA a établi, démonstrations à l’appui, que les modèles :
Les captures d’écran versées au dossier illustraient ces reproductions littérales ou quasi littérales.
Le tribunal devait répondre à plusieurs questions fondamentales pour le droit de l’IA :
Le tribunal adopte une approche volontariste :
Même si les modèles ne stockent pas les œuvres en clair, la faculté de générer des extraits reconnaissables démontre l’existence d’une fixation interne suffisante pour constituer une reproduction au sens du droit d’auteur.
Il importe peu que cette reproduction soit fragmentée, vectorisée ou mathématiquement transformée.
Si le modèle peut reconstituer l’œuvre, c’est qu’il en conserve une copie juridiquement pertinente.
Lorsque GPT-4 produit des extraits de paroles :
Le tribunal rejette toute assimilation à un prestataire neutre ou purement technique.
Les défenderesses invoquaient deux exceptions prévues par la directive DSM :
Le tribunal rejette ces arguments :
Le tribunal souligne que ces exceptions ne peuvent, en aucun cas, justifier l’entraînement de modèles commerciaux sur des œuvres protégées lorsque les titulaires s’y sont opposés.
L’argument selon lequel le modèle “hallucinerait” ou que la reproduction serait “accidentelle” est écarté sans ambiguïté :
La capacité du modèle à redonner un texte protégé résulte de son entraînement, ce qui suffit à engager la responsabilité de l’opérateur.
Le tribunal estime que les altérations involontaires provoquées par le modèle ne caractérisent pas une atteinte à l’intégrité de l’œuvre.
Certaines demandes fondées sur le droit moral sont donc rejetées.
Le tribunal ordonne notamment :
Cette décision du tribunal de Munich constitue un jalon majeur pour la régulation de l’IA générative en Europe :

