


Par un arrêt du 8 octobre 20251, la Cour d’appel de Paris (Pôle 5, 4e chambre) s’est prononcée sur un contentieux opposant deux sociétés industrielles du secteur de l’emballage : la SAS O-I France, filiale du groupe américain Owens-Illinois, spécialisée dans les emballages en verre, et la SAS Reborn Pyrénées (anciennement Semo Packaging), fabricante d’emballages plastiques rétractables.
Cette décision apporte une illustration précise du régime juridique de la rupture brutale des relations commerciales établies prévu à l’article L. 442-1, II du Code de commerce, et clarifie le traitement procédural des demandes connexes de parasitisme et de contrefaçon de marque.
Entre 2009 et 2021, la société Reborn Pyrénées a fourni à O-I France (et auparavant à O-I Europe) des gaines plastiques thermo-rétractables destinées à l’emballage de produits fabriqués sur le site industriel de [Localité 8].
À la suite d’une réorganisation interne du groupe Owens-Illinois, O-I France avait repris les relations contractuelles à compter du 1er janvier 2019, dans la continuité économique et opérationnelle de la société O-I Europe.
Mais en mars 2021, les commandes ont diminué brusquement, puis un courriel du 1er avril 2021 a annoncé la cessation définitive des relations, invoquant des problèmes de qualité et une hausse de tarifs.
Estimant cette décision irrégulière et non précédée d’un préavis suffisant, Reborn Pyrénées a assigné O-I France devant le tribunal de commerce de Bordeaux, qui l’a condamnée à verser 164 300 € d’indemnisation pour rupture brutale.
Devant la Cour d’appel de Paris, O-I France contestait la compétence du tribunal de commerce et la qualification de relation commerciale établie.
Elle soutenait que la relation nouée en 2019 constituait un nouveau partenariat, distinct de celui entretenu avec O-I Europe, et qu’aucune exclusivité ni engagement de volume ne liait les parties.
Elle invoquait en outre la variabilité de la demande, la crise sanitaire et les prétendues défaillances du fournisseur pour justifier la baisse d’activité.
De son côté, Reborn Pyrénées faisait valoir la continuité contractuelle entre O-I Europe et O-I France, s’appuyant sur une attestation de son expert-comptable établissant un flux d’affaires stable pendant plus de dix ans, et sollicitait 250 000 € en réparation du préjudice économique.
La Cour d’appel confirme l’existence d’une relation commerciale établie d’une durée de dix ans et quatre mois, caractérisée par un courant d’affaires régulier et significatif.
Elle juge que la substitution d’O-I France à O-I Europe procédait d’une cession interne de droits et obligations destinée à poursuivre la même relation, sans discontinuité économique.
Constatant que le courriel du 1er avril 2021 matérialisait une rupture immédiate sans préavis écrit, la Cour écarte les justifications invoquées (hausse tarifaire, problèmes de transport, crise sanitaire) et impute la rupture exclusivement à O-I France.
Appliquant l’article L. 442-1, II du Code de commerce, la Cour fixe à douze mois le préavis suffisant, au regard de la durée de la collaboration et de l’absence de dépendance économique.
S’appuyant sur la jurisprudence récente (Com., 28 juin 2023, n° 21-16.940), elle calcule le préjudice sur la marge sur coûts variables, et condamne O-I France à verser 162 960 € à Reborn Pyrénées, confirmant le rejet des demandes relatives aux stocks et au préjudice moral.
O-I France reprochait en outre à Reborn Pyrénées d’avoir maintenu sur son site Internet la reproduction du logo « O-I ».
La Cour distingue avec soin la contrefaçon de marque, relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire de Bordeaux (art. L. 716-5 et L. 211-10 du Code de l’organisation judiciaire), du parasitisme économique, relevant du droit commun (art. 1240 C. civ.).
Faute pour O-I France d’établir sa qualité de titulaire de la marque et la réalité d’un préjudice concurrentiel, la demande est jugée infondée : la reproduction du logo à titre informatif ne constitue pas un acte parasitaire.
La Cour d’appel de Paris confirme plusieurs principes constants :
Une décision qui rappelle, pour les industriels comme pour leurs partenaires, qu’une rupture mal calibrée peut vite devenir… une source de contentieux bien emballée.

