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Actualité
11/9/25

Quand l’intelligence artificielle fabrique des deepfakes de célébrités : l’affaire Aishwarya Rai Bachchan devant la Haute Cour de Delhi

1) Une affaire emblématique et rare

La Haute Cour de Delhi a rendu, le 9 septembre 2025, une ordonnance importante dans l’affaire Aishwarya Rai Bachchan c/ AishwaryaWorld.com & autres.

L’actrice indienne, mondialement connue, dénonçait l’exploitation non autorisée de son nom, de son image et de sa voix, notamment à travers des deepfakes, des chatbots imitant sa personnalité et la commercialisation de produits à son effigie.

Cette décision retient l’attention car les litiges de ce type demeurent encore rares. Elle s’inscrit dans la continuité d’une autre affaire très médiatisée, celle du comédien Anil Kapoor (Slumdog Millionaire), où la même juridiction avait déjà protégé le droit à l’image contre des usages numériques abusifs.

2) Les faits : exploitation numérique et marchandisation de l’image

La demanderesse reprochait à plusieurs sites et plateformes :

  • la création d’un site se présentant comme son « site officiel » ;
  • la vente de produits dérivés (T-shirts, mugs, etc.) sans autorisation ;
  • la mise en ligne de vidéos truquées la mettant en scène dans des situations dégradantes ;
  • la mise à disposition d’un chatbot se présentant comme Aishwarya Rai Bachchan, allant jusqu’à générer des conversations à caractère sexuel.

Elle dénonçait ainsi une stratégie de captation de valeur construite autour de son image et susceptible de faire croire au public qu’elle avait donné son aval à ces activités.

3) Les fondements juridiques invoqués

L’actrice a saisi la Cour sur plusieurs bases :

  • Droits de la personnalité : l’utilisation de son image, de sa voix et de son nom sans son consentement constitue une atteinte à sa réputation et à ses revenus liés à ses contrats d’ambassadrice ;
  • Droits d’auteur et droits voisins : l’exploitation d’extraits d’œuvres, de photographies et de vidéos protégées aggrave l’atteinte ;
  • Passing off et concurrence déloyale : l’usage trompeur de sites ou de produits laisse croire à un partenariat officiel ;
  • Responsabilité des plateformes : injonction de retrait et communication d’informations pour identifier les responsables.

4) La décision de la Cour

La Cour a accordé une injonction provisoire interdisant à tous les défendeurs d’utiliser, par quelque moyen que ce soit — y compris par intelligence artificielle et deepfakes — le nom, l’image, la voix et la ressemblance d’Aishwarya Rai Bachchan, tant à des fins commerciales que personnelles.

Elle a en outre :

  • ordonné le retrait des contenus litigieux sous 72 heures ;
  • enjoint aux plateformes concernées de communiquer les informations d’identification des responsables sous 7 jours ;
  • sollicité des autorités indiennes compétentes qu’elles procèdent au blocage des adresses URL litigieuses.

La Cour a jugé que l’usage de deepfakes et de chatbots cause à la fois un préjudice économique et un préjudice moral, portant atteinte à la dignité de la célébrité.

5) Une affaire qui pose des questions essentielles

Cette décision met en lumière plusieurs questions :

  • Jusqu’où s’étendent les droits de la personnalité face aux technologies d’IA générative ?
  • Comment concilier la liberté d’expression (parodie, critique, satire) avec la protection de la dignité des personnes célèbres ?
  • Quelle est la responsabilité des plateformes lorsqu’elles hébergent ou diffusent des deepfakes portant atteinte à la réputation d’autrui ?

En citant expressément l’affaire Anil Kapoor, la Cour rappelle que la notoriété d’un artiste est un actif économique protégé et qu’aucune appropriation parasitaire n’est tolérable.

Cette affaire marque une nouvelle étape dans la protection des célébrités face à l’IA. Les juridictions indiennes se montrent particulièrement vigilantes contre la diffusion de deepfakes ou de contenus trompeurs exploitant la persona d’artistes mondialement connus. On peut anticiper que ce contentieux se multipliera, notamment aux États-Unis, où le right of publicity est déjà bien établi, et en Europe, où le droit à l’image et la lutte contre la concurrence déloyale constituent des bases juridiques solides.

L’affaire Aishwarya Rai Bachchan illustre ainsi la façon dont le droit tente de s’adapter à un phénomène nouveau : la fabrication artificielle de l’image par l’intelligence artificielle.

Vincent FAUCHOUX
Image par Georges Biard, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons
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