Le 23 juillet 2025, la société américaine Strike 3 Holdings, LLC, spécialisée dans la production et la distribution de films pour adultes (notamment sous les marques Blacked, Tushy, Vixen ou Deeper), a engagé une action judiciaire devant la United States District Court for the Northern District of California à l’encontre de Meta Platforms, Inc. pour violation massive du droit d’auteur. Cette action, déposée également au nom de sa société affiliée Counterlife Media, LLC, constitue une première retentissante dans le contentieux en pleine expansion des atteintes aux droits d’auteur par les systèmes d’intelligence artificielle.
Les demanderesses reprochent à Meta d’avoir, depuis 2018, téléchargé et redistribué via le protocole BitTorrent au moins 2 396 de leurs films protégés, sans la moindre autorisation, souvent dès le jour même de leur mise en ligne, et dans des formats multilingues et multiples résolutions. Ces fichiers auraient été intégrés dans les ensembles de données servant à entraîner les modèles d’intelligence artificielle développés par Meta, notamment ses systèmes de génération vidéo (Meta AI Video, MovieGen, etc.).
Le fondement juridique de la plainte repose sur la violation du Copyright Act, et notamment de la section 501 du Title 17 of the United States Code, qui protège les droits exclusifs de reproduction et de diffusion conférés aux titulaires de droits d’auteur. Les demanderesses sollicitent des dommages-intérêts ainsi qu’une injonction pour faire cesser immédiatement toute utilisation non autorisée de leurs œuvres. Un procès devant jury est expressément demandé.
Si les actions en justice fondées sur l’usage non consenti d’œuvres protégées dans les jeux de données d’IA se multiplient aux États-Unis, cette affaire se distingue à plusieurs égards. Elle est, à notre connaissance, la première à concerner spécifiquement des contenus à caractère pornographique. Paradoxalement, ce sont ici les producteurs d’un genre longtemps marginalisé dans les enceintes judiciaires qui pourraient contribuer de manière décisive à la construction jurisprudentielle du régime applicable à l’entraînement des IA à partir d’œuvres protégées.
Le cas est d’autant plus délicat pour Meta que sa plateforme est largement fréquentée par un public mineur. Une médiatisation trop poussée de cette affaire, impliquant des contenus pour adultes, serait difficilement compatible avec son image publique. Ce facteur pourrait inciter la société à rechercher une issue transactionnelle rapide et discrète. Pour les titulaires de droits, cette perspective offre un levier stratégique nouveau, dans un combat jusqu’ici dominé par les grandes plateformes technologiques.
Il conviendra de suivre avec attention l’évolution de cette procédure, tant pour ses implications en matière de droit d’auteur que pour les conséquences potentielles qu’elle pourrait entraîner dans la régulation des intelligences artificielles génératives. Elle témoigne, s’il en était encore besoin, de la nécessité urgente d’un encadrement juridique rigoureux des pratiques d’entraînement des modèles d’IA, au risque de voir l’économie de la création vidée de sa substance.