EUIPO, Division d’opposition, décision du 16 octobre 2025, Opposition n° B 3 225 793
La société PUMA SE, titulaire de plusieurs marques figuratives de l’Union européenne représentant le célèbre fauve bondissant accompagné ou non du mot PUMA, a formé opposition contre le dépôt, par M. Lukáš Rohlík (République tchèque), d’une marque figurative désignant des produits en classes 9 et 25, comprenant notamment un grand félin bondissant, orienté vers la droite, accompagné du mot SUPERFLY.
L’opposition était fondée sur trois enregistrements antérieurs de PUMA, notamment deux marques figuratives comprenant la silhouette du félin bondissant, et invoquait :
PUMA arguait de la réputation considérable de ses marques dans l’Union européenne, et en particulier en Allemagne, pour les produits de la classe 25 (vêtements, chaussures, couvre-chefs) et, par extension, pour des articles dérivés ou accessoires liés à l’univers du sport.
La Division d’opposition rappelle que l’application de l’article 8(5) EUTMR suppose la réunion cumulative de trois conditions :
(i) la similarité des signes,
(ii) la renommée de la marque antérieure,
(iii) et un risque d’atteinte ou d’avantage indu résultant de cette similarité.
PUMA a produit un ensemble de preuves volumineuses et convergentes :
La Division en conclut que la marque PUMA bénéficie d’une renommée étendue et durable, notamment en Allemagne, suffisante pour être reconnue comme marque à forte réputation au sein de l’Union.
Les signes en présence comportent tous deux la représentation d’un grand félin bondissant, bien que celui de la marque contestée soit orienté différemment (vers la droite, avec une crinière suggérant un lion).
Sur le plan visuel et conceptuel, l’EUIPO relève une faible mais réelle similarité entre les signes :
Cette proximité, conjuguée à la notoriété exceptionnelle de la marque PUMA, conduit la Division à considérer que le consommateur européen, et plus particulièrement allemand, sera spontanément conduit à établir un lien mental entre les deux signes, au moins pour certains produits.
L’EUIPO estime que l’usage du signe contesté “SUPERFLY” pour des produits proches de l’univers sportif risquerait de tirer indûment profit de l’aura et de la valeur symbolique de la marque PUMA, sans justification ni investissement comparable.
Le raisonnement reprend la jurisprudence Intel (CJUE, 27 nov. 2008, C-252/07) : même en l’absence de confusion, le public pourrait associer le signe litigieux à la marque renommée, facilitant ainsi la commercialisation des produits du déposant grâce au transfert d’image.
La Division considère que tel est bien le cas pour :
Pour ces produits, la marque “SUPERFLY” profiterait indûment de la valeur économique, du prestige et de la reconnaissance construits par PUMA.
En revanche, pour les autres produits de la classe 9 (ordinateurs, tablettes, téléviseurs, périphériques informatiques, etc.), la Division écarte tout lien suffisant :
ces produits relèvent du domaine de l’électronique grand public, étranger à l’univers sportif et lifestyle de PUMA, et circulent dans des circuits de distribution distincts.
Par conséquent, l’opposition est partiellement accueillie :
Cette décision illustre une nouvelle fois la force juridique du mécanisme de protection des marques de renommée au titre de l’article 8(5) du Règlement sur la marque de l’Union européenne.
Elle confirme que la simple reprise d’un élément figuratif conceptuellement proche d’un signe emblématique (ici, un félin bondissant) suffit à caractériser un risque d’exploitation indue, même sans confusion directe.
La Division reconnaît ainsi la marque PUMA comme une marque à rayonnement transsectoriel, dont la protection s’étend au-delà des produits textiles traditionnels pour couvrir des articles de style de vie ou technologiques associés à l’image du sport.