


Après le Digital Market Act (DMA) et le Digital Services Act (DSA), la Commission européenne prépare pour 2026 le Digital Fairness Act (DFA), un nouveau texte destiné à combler les lacunes du cadre réglementaire actuel face au développement de pratiques numériques manipulatoires et addictives.
Ce projet s’inscrit dans une volonté affirmée de la Présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, qui a confié au Commissaire européen en charge de la démocratie, de la justice et de l’État de droit, Michael McGrath, la mission d’élaborer :
« un Digital Fairness Act permettant de lutter contre les techniques et pratiques commerciales non éthiques liées aux dark patterns, au marketing des influenceurs, à la conception addictive des produits numériques et au profilage en ligne, en particulier lorsque les vulnérabilités des consommateurs sont exploitées à des fins commerciales ».
Cette mission reflète l’ambition de la Commission d’adapter la protection des consommateurs à l’évolution des pratiques numériques.
En 2023, le Parlement européen a adopté une résolution à une large majorité appelant à renforcer la protection des consommateurs et à bannir les techniques addictives. Les députés y affirment la nécessité de passer :
« de l’économie de l’attention à une conception numérique éthique » (« Moving from attention economy to ethical design »).
Ils estiment que les entreprises devraient être tenues de développer des produits et services numériques éthiques et équitables dès leur conception, exempts de dark patterns, de mécanismes trompeurs ou de procédés addictifs.
Par cette résolution, ils invitent la Commission à combler les lacunes juridiques existantes et à proposer une nouvelle législation ciblée. A défaut, le Parlement indique qu’il entend recourir à son droit d’initiative législative.
Dès 2020, face aux préoccupations croissantes concernant l’équité numérique, la Commission a annoncé, dans le New Consumer Agenda, une analyse visant à déterminer si une législation supplémentaire était nécessaire pour garantir des conditions équitables.
En 2022, la Commission a lancé une évaluation « Fitness Check » sur l’équité numérique, centrée sur trois directives – Directive sur les pratiques commerciales déloyales (2005/29/CE, « UCPD ») ; Directive relative aux droits des consommateurs (2011/83/UE, « CRD ») ; Directive concernant les clauses abusives (93/13/CEE, « UCTD ») – qui a mis en évidence lors de sa publication en octobre 2024 plusieurs lacunes et points d’amélioration concernant les :
Ce rapport établi que ces pratiques abusives représentent au moins 7,9 milliards d’euros de préjudice annuel pour les consommateurs, tandis que le coût de conformité au droit européen de la consommation pour les entreprises n’excède pas les 737 millions d’euros.
En outre, le rapport souligne notamment que la protection des consommateurs dans l’Union est fragilisée par une application insuffisante du cadre existant et par un risque croissant de fragmentation réglementaire entre les approches nationales des Etats membres.
Quelques semaines avant cette publication, dans sa lettre de mission de septembre 2024, Ursula von der Leyen a confié au Commissaire Michael McGrath la préparation d’un Digital Fairness Act.
Pour répondre aux inquiétudes liées à l’ajout d’un énième texte numérique, notamment au risque de superposition avec les cadres existants tels que le DMA, le DSA, le règlement sur la protection des données (RGPD) ou les directives sur les pratiques commerciales déloyales, le Commissaire Michael McGrath a clarifié les orientations du futur dispositif lors de son audition au Parlement :
Dans le cadre cette initiative, la Commission a organisé une consultation publique entre mai et octobre 2025, invitant citoyens, entreprises et autorités publiques à partager leurs propositions pour renforcer la protection des consommateurs en ligne.
A titre d’exemple, le questionnaire de consultation sollicitait l’avis sur :
Les résultats de la consultation publique devraient jouer un rôle essentiel non seulement dans l’élaboration du contenu du Digital Fairness Act, mais également dans le choix de sa forme juridique.
En effet, si certaines analyses indiquent que la Commission pourrait privilégier une directive modifiant de manière ciblée les directives UCPD, CRD et UCTD, plutôt qu’un règlement horizontal autonome, à ce stade, aucune forme juridique n’est arrêtée.
Le projet de texte est attendu pour le troisième trimestre 2026, date à partir de laquelle il sera examiné par le Parlement européen et le Conseil avant son adoption dans sa version définitive.
La publication du texte à la fin d’année 2026 offrira un premier aperçu de son articulation avec les législations existantes et permettra d’évaluer la capacité de la Commission à s’aligner avec l’ambition affichée de « rendre l’Europe plus simple et plus rapide » « Making Europe simpler and faster ».

