Créée par Miuccia Prada au sein du groupe Prada, MIU MIU incarne la ligne la plus inventive, expressive et contemporaine de la prestigieuse maison italienne. Sa créativité audacieuse, son identité visuelle forte et son positionnement haut de gamme s’illustrent notamment dans ses lunettes et lunettes de soleil de luxe, commercialisées à l’international à travers un réseau sélectif incluant le groupe Luxottica. C’est dans ce secteur particulièrement stratégique que MIU MIU a formé, avec succès, une opposition à l’enregistrement du signe « MUMU » devant l’EUIPO.
Par décision du 3 octobre 2025, la Division d’opposition de l’EUIPO a statué sur l’opposition n° B 3 211 619 formée par Prada S.A. contre la demande de marque de l’Union européenne n° 18 938 399 déposée par la société chinoise Wenzhou Lishangglasses Manufacturing Co Ltd.
La demande visait un signe figuratif « MUMU » pour divers produits d’optique en classe 9. MIU MIU invoquait une marque antérieure internationale couvrant des lunettes, lunettes de soleil et étuis à lunettes, et fondait son opposition sur l’article 8, paragraphe 1, b) EUTMR, relatif au risque de confusion.
L’EUIPO accueille intégralement l’opposition et rejette la demande de marque.
Le déposant ayant demandé à voir prouver l’usage sérieux, l’EUIPO analyse la période du 17 octobre 2018 au 16 octobre 2023 afin de vérifier si la marque « MIU MIU » avait été exploitée de manière réelle et sérieuse dans les territoires concernés.
Prada S.A. fournit alors un ensemble de documents : catalogues produits couvrant plusieurs années, factures émises directement ou par Luxottica, extraits de magazines de mode et photographies de boutiques commercialisant la ligne d’optique MIU MIU.
L’Office relève que ces éléments démontrent un usage réel, public, continu et commercialement significatif de la marque pour les lunettes, les lunettes de soleil et les étuis à lunettes. Il limite donc l’examen de l’opposition à ces trois catégories de produits, conformément à l’article 47, paragraphe 2 EUTMR.
L’EUIPO constate que les produits désignés par « MUMU » sont strictement identiques à ceux couverts par la marque « MIU MIU ». Les lunettes correctrices ou polarisées relèvent de la même catégorie générale que les lunettes invoquées, et les lunettes de soleil comme les étuis à lunettes sont identiques. Cette identité de produits est un facteur essentiel dans l’analyse du risque de confusion.
Concernant les signes, l’analyse se concentre notamment sur le public hispanophone, pour lequel « MIU MIU » comme « MUMU » sont des signes fantaisistes dénués de signification particulière. L’examen conceptuel est donc neutre.
Visuellement et phonétiquement, les deux signes présentent une structure particulièrement proche : l’enchaînement M–U–M–U apparaît dans le même ordre et constitue l’essentiel des deux signes. La présence du « I » dans « MIU » crée une nuance phonétique légère, insuffisante pour altérer l’impression d’ensemble. Le rythme, la cadence et la sonorité des signes s’avèrent similaires.
La stylisation du signe contesté, très minimale, ne modifie pas l’analyse, dominée par les éléments verbaux.
L’EUIPO retient ainsi une similarité visuelle et phonétique moyenne, suffisante pour induire une confusion dans l’esprit du public compte tenu de l’identité des produits.
Procédant à l’appréciation globale, l’EUIPO rappelle les principes jurisprudentiels : caractère distinctif normal de la marque antérieure, identité des produits, forte proximité des signes et mémoire imparfaite du consommateur, y compris lorsqu’il porte une attention élevée dans l’achat de lunettes.
Elle estime qu’un consommateur peut raisonnablement percevoir « MUMU » comme une déclinaison, une variante phonétique ou une sous-marque de « MIU MIU ».
Un risque de confusion est donc caractérisé au sens de l’article 8, paragraphe 1, b) EUTMR, justifiant le rejet intégral de la demande de marque « MUMU ».
Dans un contexte où les maisons de luxe sont régulièrement confrontées à des dépôts de signes trop proches sur les plans visuel ou phonétique, souvent utilisés dans des stratégies commerciales déloyales ou parasitaires par des opérateurs économiques peu rigoureux, cette décision de l’EUIPO mérite une pleine approbation.
Elle illustre avec clarté la rigueur des autorités européennes lorsqu’il s’agit de préserver la fonction essentielle de la marque, de garantir l’origine des produits et de protéger les investissements créatifs et commerciaux des maisons de luxe face à des tentatives d’appropriation indue de leurs constructions distinctives.
