


Pour un concédant, la valorisation d’une marque dans le cadre d’une licence ne repose jamais uniquement sur les projections financières ou les perspectives de marché. La valeur réelle du droit mis à disposition dépend d’abord de paramètres strictement juridiques, qui conditionnent la force du titre, la sécurité de son exploitation et la pérennité de l’image de marque. Voici les quatre réflexes essentiels qu’un concédant doit garder à l’esprit avant d’engager une négociation.
Le premier réflexe consiste à évaluer la robustesse juridique de la marque destinée à être concédée. Une marque enregistrée, en vigueur et couvrant adéquatement les territoires et produits concernés constitue une base solide pour une valorisation ambitieuse. Le degré de distinctivité du signe, qu’il soit intrinsèque ou acquis par un usage intensif, influence directement la capacité du concédant à négocier des redevances élevées.
La clarté de la chaîne de titularité, l’absence de cessions anciennes mal formalisées ou de zones d’ombre dans l’historique du portefeuille renforcent également la crédibilité du droit proposé sous licence.
Illustration : certaines maisons ont démontré l’importance d’un portefeuille parfaitement structuré, comme l’a fait Lacoste en sécurisant l’ensemble des variantes de son crocodile dans le monde, ou encore LEGO, qui a bâti une architecture de marques extrêmement dense (verbales, figuratives, tridimensionnelles) après les difficultés rencontrées sur la protection de la brique iconique. Ces stratégies de consolidation augmentent mécaniquement la valeur des licences qui en découlent.
Le deuxième réflexe consiste à apprécier l’environnement conflictuel entourant la marque. L’analyse doit porter sur les litiges passés, les oppositions, les actions en nullité ou en déchéance, et plus largement sur la capacité du droit à résister à une contestation. Une marque défendue activement – par des procédures de surveillance, des oppositions régulières ou des actions en contrefaçon – conserve une valeur supérieure.
C’est précisément ce que recouvre l’idée d’enforcement (les actions de défense et de protection de la marque), notion essentielle pour tout concédant soucieux de préserver l’intégrité de son actif.
Illustration : certaines sociétés ont construit une stratégie d’enforcement particulièrement visible. Ferrari, par exemple, mène depuis des années une politique très rigoureuse de protection de son cheval cabré, de ses éléments iconiques et de ses codes visuels. De même, Disney est réputé pour sa vigilance permanente à l’encontre des utilisations non autorisées de ses personnages. Dans un registre différent, Red Bull a structuré une stratégie offensive lui permettant de préserver la singularité de son identité graphique et verbale. Ces exemples montrent qu’une marque dotée d’un historique contentieux solide inspire davantage confiance et se prête à une valorisation plus élevée.
La valeur de la marque dépend également de la manière dont la licence est structurée. Le périmètre concédé – territoire, gammes de produits, canaux de distribution – constitue un levier de valorisation décisif : plus la licence est large, exclusive ou sectoriellement différenciée, plus le concédant peut justifier un niveau élevé de redevances.
La durée, les conditions de renouvellement, la possibilité de résiliation anticipée, les garanties d’éviction et les mécanismes de responsabilité ont également un impact direct sur la perception de valeur. Une licence encadrée avec précision et équilibrée dans ses obligations renforce naturellement la position du concédant lors de la négociation.
Illustration : le secteur du sport professionnel offre ici des exemples instructifs. Les clubs de football européens les plus renommés segmentent leurs licences (textile, objets de collection, produits numériques) en fonction des territoires et des exclusivités recherchées, ce qui leur permet de maximiser la valeur extraite de leur marque. Dans des domaines plus industriels, certains groupes comme Coca-Cola imposent des cahiers des charges particulièrement rigoureux à leurs embouteilleurs, montrant combien le calibrage contractuel participe à la valorisation de la marque dans la chaîne de licence et de co-exploitation.
La réputation de la marque constitue l’un des multiplicateurs de valeur les plus puissants dans une licence. Une marque bénéficiant d’une renommée juridique au sens du droit des marques dispose d’une protection étendue lui permettant de prévenir les usages parasitaires, même en dehors de sa sphère de produits habituels.
Le contrôle de qualité exercé par le concédant est également fondamental : chartes, validations préalables, audits, process de conformité. Un contrôle trop faible expose la marque à une dilution ou à une banalisation ; un contrôle trop strict peut en revanche décourager les licenciés potentiels. L’équilibre est donc essentiel.
Illustration : plusieurs industries montrent l’importance d’une gestion d’image maîtrisée. Apple, par exemple, a fait de son programme mondial de certification des accessoires (« Made for iPhone ») un véritable outil de contrôle qualité, garantissant une cohérence visuelle et technique qui renforce la valeur de ses partenariats sous licence. Dans un registre très différent, Rolls-Royce sélectionne de manière extrêmement restrictive les projets de licence dans l’architecture intérieure ou le design lifestyle, préservant ainsi une image d’exception qui accroît la valeur de chaque accord conclu.

