À propos de l’arrêt Cass. crim., 10 septembre 2025, n° G 24-81.914
L’affaire Louboutin revient devant la Cour de cassation : par un arrêt du 10 septembre 2025, la chambre criminelle confirme la sévérité du droit pénal français en matière de contrefaçon. La célèbre semelle rouge, devenue emblème du luxe et objet de débats jurisprudentiels européens, se retrouve au cœur d’un contentieux pénal qui rappelle une vérité souvent occultée : la contrefaçon est avant tout un délit.
Si la Haute juridiction valide l’ensemble des condamnations pénales et douanières, elle prononce toutefois une cassation partielle, limitée aux intérêts civils, pour insuffisance de motivation. L’arrêt combine ainsi fermeté répressive et exigence procédurale.
Le 17 mai 2017, un contrôle douanier dans les locaux de la société [1], dirigée par M. [I], conduit à la saisie de 628 sacs et 12 paires de chaussures suspectés de contrefaçon des marques de la société [2] et de M. [U] [F].
Poursuivis pour importation en contrebande, détention et mise en vente de marchandises contrefaisantes, M. [I] et sa société sont condamnés par le tribunal correctionnel de Paris, le 22 mars 2022, à dix mois d’emprisonnement avec sursis, 15 000 € d’amende, ainsi qu’à une amende douanière solidaire de 100 000 € et au paiement de dommages-intérêts.
La cour d’appel de Paris, le 26 février 2024, confirme ce jugement. Un pourvoi en cassation est formé.
Les demandeurs invoquaient l’article L. 711-2 CPI : une marque constituée exclusivement par la forme du produit ne peut être enregistrée. La semelle rouge serait donc dénuée de caractère distinctif. Subsidiairement, ils soutenaient que la distinctivité d’une couleur appliquée sur une partie du produit suppose un contraste visuel avec le reste de la chaussure.
La Cour écarte l’argument : l’application d’une couleur spécifique (Pantone) sur un emplacement déterminé (semelle hors talon) constitue un choix arbitraire et fantaisiste, distinctif dans le secteur de la chaussure. Elle se fonde sur la jurisprudence européenne (CJUE, 12 juin 2018, C-163/16).
Moyen rejeté : la marque Louboutin conserve sa validité.
Les prévenus faisaient valoir qu’une chaussure entièrement rouge ne pouvait être confondue avec une semelle rouge distinctive, la première relevant de la simple décoration.
La Cour rappelle que l’appréciation du risque de confusion doit se faire au regard du consommateur moyen, en tenant compte des ressemblances. L’usage d’une semelle rouge, même dans un ensemble monochrome, constitue une référence directe à la spécificité de la marque Louboutin, de nature à induire en erreur.
Moyen rejeté : la contrefaçon est caractérisée.
Les demandeurs invoquaient une atteinte au principe de proportionnalité (art. 132-1 CP, art. 414 CD), reprochant le cumul des sanctions pénales et douanières.
La Cour rappelle que ces sanctions sont distinctes par nature. Le principe de proportionnalité n’impose pas d’apprécier leur équilibre global, mais seulement que le cumul n’excède pas le montant maximal de l’une des sanctions encourues. Ce n’était pas le cas ici.
Moyen rejeté : le cumul est validé.
Enfin, les prévenus dénonçaient l’absence de motivation de l’arrêt d’appel, qui avait fixé les dommages-intérêts sans se référer aux critères de l’article L. 716-14 CPI (conséquences économiques négatives, préjudice moral, bénéfices réalisés, ou indemnisation forfaitaire).
La Cour accueille le moyen : en l’absence d’explication sur les critères retenus, la décision est entachée d’insuffisance de motifs (art. 593 CPP).
Cassation partielle : seules les dispositions relatives aux intérêts civils sont annulées, avec renvoi.
La Cour de cassation maintient toutes les condamnations pénales et douanières et casse uniquement sur les intérêts civils.
Cet arrêt confirme :
Conclusion
L’arrêt du 10 septembre 2025 (Louboutin) incarne la double exigence de notre droit : punir fermement les atteintes aux marques, en particulier lorsqu’elles visent des emblèmes du luxe mondial, et encadrer strictement la réparation civile par une motivation conforme aux textes.
Au-delà de l’affaire Louboutin, la Cour de cassation rappelle que la contrefaçon est, avant tout, une infraction pénale, dont la gravité justifie une répression exemplaire.