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Actualité
17/11/25

Fondation Louis Vuitton - Exposition Gerhard Richter : quelques réflexions d’un avocat en propriété intellectuelle

Dimanche dernier, j’ai décidé de me rendre à la Fondation Louis Vuitton pour découvrir l’exposition consacrée à Gerhard Richter.

Je n’ai pas regretté ce choix : au-delà du plaisir esthétique évident, cette visite m’a offert plusieurs pistes de réflexion très actuelles sur le droit d’auteur, réflexions que Richter, sans le vouloir, cristallise avec une acuité remarquable.

Gerhard Richter, né en 1932, est l’une des grandes figures majeures de l’art contemporain allemand. Son œuvre traverse des territoires extrêmement variés : peintures figuratives d’un réalisme photographique, abstractions monumentales tirées à la raclette, nuanciers et damiers de couleur, paysages flous, portraits silencieux. Des univers parfois si éloignés qu’on peine à croire qu’ils portent la même signature, et pourtant, tout cela est bien « du Richter ».

Cette diversité fait de son œuvre un formidable terrain pour revisiter trois notions fondamentales du droit d’auteur :

  1. la pluralité possible de l’empreinte de la personnalité ;
  2. la place de l’aléa dans le processus créatif ;
  3. les réminiscences et évocations d’œuvres préexistantes.

1. Une empreinte de la personnalité… plurielle

Selon l’article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle, une œuvre est protégée dès lors qu’elle est originale, c’est-à-dire qu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur.

La jurisprudence (notamment Cass. 1re civ., 7 mars 1986 ; 13 nov. 2008) rattache cette empreinte à des choix libres et créatifs.

On imagine parfois cette empreinte comme un style unique, fixe, immédiatement identifiable.

Richter montre que c’est un contresens.

Entre portraits hyper-figuratifs, grandes abstractions, damiers conceptuels et paysages vibrants, aucune esthétique n’est répétée, et pourtant, une cohérence subtile traverse l’ensemble : une démarche, un rapport singulier à l’image, une tension entre photographie et peinture.

Pour le juriste, la leçon est claire : l’empreinte de la personnalité peut être plurielle, mouvante, multiforme, sans perdre sa pertinence juridique.

2. L’aléa comme choix artistique… et une réflexion utile pour l’IA

Les grandes abstractions de Richter laissent une place considérable au hasard : superpositions de couches, raclages irréguliers, accidents de matière.

Cet aléa n’est pas un défaut : il fait partie du choix artistique.

Or l’on entend parfois que l’originalité supposerait une maîtrise absolue du geste.

Richter démontre l’inverse : intégrer l’aléatoire peut constituer une décision créative, parfaitement compatible avec l’originalité.

Cette observation éclaire aussi les débats relatifs à l’intelligence artificielle : le recours à des procédés probabilistes n’exclut pas, en soi, la possibilité d’une démarche créative, même si la question de la titularité des droits reste ouverte et complexe.

3. Réminiscences, évocations : l’art s’inscrit toujours dans une histoire

Plusieurs œuvres présentées à la Fondation rappellent à quel point Richter dialogue avec la tradition picturale :

  • Le portrait d’une femme lisant, baigné de lumière latérale, évoque immédiatement Vermeer.
  • Une autre série, créée en 1973, est explicitement intitulée « Annunciation after Titian » : Richter y retravaille, floute et réinterprète l’Annonciation du Titien, en jouant sur la mémoire visuelle et la perception.

Lesende (Femme lisant), 1994, Gerhard Richter

Ces évocations ne sont pas des reprises serviles : ce sont des réinterprétations, des transpositions, des dialogues, pleinement intégrés à une démarche personnelle contemporaine.

Et la pratique n’a rien d’exceptionnel :

  • Manet, avec son Déjeuner sur l’herbe, s’inscrit directement dans la tradition des maîtres italiens de la Renaissance, notamment le Concert champêtre (Giorgione/Titien) et certains motifs raphaëlesques.
  • Picasso, dans ses multiples relectures des Ménines de Velázquez, montre qu’une œuvre nouvelle peut surgir d’une confrontation assumée avec un chef-d’œuvre ancien.

Ces exemples rappellent une évidence juridique trop souvent oubliée : évoquer une œuvre préexistante est une pratique fondamentale de la création artistique.

Elle ne saurait être assimilée à une reproduction illicite dès lors que l’œuvre nouvelle porte des choix créatifs propres et une véritable démarche personnelle.

C’est même l’essence de l’évolution artistique : transformation, appropriation, transmutation.

Bref : allez voir cette exposition… et faites-vous votre propre avis !

Vincent FAUCHOUX
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