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Actualité
21/10/25

Droit à l’image, IA et deepfakes : la Haute Cour de Bombay consacre la protection des droits de la personnalité des artistes face aux usages non autorisés de leur image

Bombay High Court, 10 octobre 2025 : Suniel Shetty v. John Doe & Ors., Commercial IP Suit (L) n° 32130/2025

1. La juridiction et le contexte procédural

Par une ordonnance rendue le 10 octobre 2025, la Haute Cour de Bombay, siégeant dans sa division commerciale, a accordé des mesures d’injonction ex parte en faveur de l’acteur indien Suniel Shetty contre la diffusion non autorisée d’images et de vidéos générées par intelligence artificielle reproduisant sa voix, son image et son apparence sans consentement.

L’affaire s’inscrit dans le cadre du mouvement de reconnaissance par les juridictions indiennes du droit à la personnalité des artistes, renforcé par les précédentes décisions Anil Kapoor v. Simply Life India (Delhi High Court, 2023) et Asha Bhosle v. Mayk Inc. (Bombay High Court, 2025), ainsi que par plusieurs jugements récents relatifs aux deepfakes d’acteurs de Bollywood.

Le demandeur sollicitait la protection de ses droits fondamentaux à la dignité et à la vie privée (article 21 de la Constitution indienne), de ses droits moraux d’auteur (Copyright Act, 1957), et de ses droits de personnalité, en raison de l’exploitation commerciale non autorisée de son image et de son identité sur les réseaux sociaux.

2. Les faits à l’origine du litige

L’acteur, connu pour une carrière de plus de trente ans dans l’industrie cinématographique indienne et pour des rôles emblématiques tels que celui de Shyam dans le film culte Hera Pheri, faisait valoir une notoriété particulièrement forte, attestée par plusieurs distinctions et par une présence numérique considérable (plus de 5 millions d’abonnés sur Instagram, 6,5 millions sur Facebook et près d’un million sur LinkedIn).

Or, plusieurs contenus litigieux avaient été identifiés :

  • des images et vidéos générées par intelligence artificielle représentant l’acteur et ses proches dans des situations obscènes ou dégradantes ;
  • des publicités mensongères associant son image à des jeux d’argent en ligne, des services astrologiques ou des activités immobilières fictives ;
  • des produits dérivés (posters, impressions, marchandises) commercialisés sans autorisation ;
  • et enfin, de faux comptes sur les plateformes Meta (Facebook, Instagram) et X Corp (ancien Twitter) usurpant son identité et trompant le public sur son implication dans certaines activités.

Le demandeur soutenait que ces agissements portaient atteinte à sa réputation, à sa dignité et à sa vie privée, tout en induisant le public en erreur sur d’éventuels partenariats ou soutiens commerciaux.

3. Les fondements juridiques de la demande

L’action reposait sur une combinaison de fondements constitutionnels, civils et commerciaux :

  • Article 21 de la Constitution indienne : garantie du droit à la vie privée et du droit de vivre avec dignité ;
  • Droits moraux reconnus par le Copyright Act (1957) ;
  • Personality rights et droit à l’image, tels que consacrés par la jurisprudence Anil Kapoor, Jackie Shroff et Karan Johar ;
  • Principes de “passing off” et de concurrence déloyale, en raison de l’usage trompeur du nom et de la ressemblance de l’acteur à des fins commerciales ;
  • Information Technology Rules (Intermediary Guidelines and Digital Media Ethics Code), 2021, imposant aux plateformes une obligation de vigilance et de retrait de contenus obscènes, mensongers ou usurpant une identité.

Le conseil du demandeur soutenait que la combinaison de l’intelligence artificielle et des plateformes sociales créait une forme nouvelle de contrefaçon et de détournement de notoriété, justifiant l’intervention immédiate du juge pour prévenir un préjudice irréversible.

4. L’analyse de la Cour

Le juge Arif S. Doctor a qualifié la situation de « combinaison létale entre l’esprit dévoyé et la technologie », constatant que les contenus litigieux portaient une atteinte grave à la personnalité du demandeur et à celle de ses proches.

La Cour a considéré que :

  • la création et la diffusion d’images deepfake de l’acteur et de sa famille constituent une violation manifeste du droit à la vie privée et du droit de vivre avec dignité ;
  • l’appropriation commerciale de son nom, de son image et de sa voix par des tiers sans autorisation constitue une violation de ses droits de personnalité et un “passing off” ;
  • ces pratiques trompent le public en créant une illusion d’association ou d’approbation, ce qui équivaut à une publicité mensongère et à une usurpation d’identité numérique ;
  • enfin, les plateformes numériques, notamment Meta et X Corp, ont une responsabilité positive d’agir rapidement pour supprimer les contenus signalés.

5. La décision

La Haute Cour de Bombay a accordé une injonction ex parte d’une ampleur exceptionnelle :

  • Interdiction générale faite aux défendeurs, connus ou anonymes (John Doe/Ashok Kumar), de reproduire, utiliser, modifier ou exploiter sous quelque forme que ce soit le nom, la voix, l’image, la signature, la ressemblance, les gestes, le ton ou les attributs identifiables de l’acteur, y compris au moyen de contenus générés par intelligence artificielle, de deepfakes, de voix clonées, ou dans tout environnement virtuel ou métavers.
  • Obligation pour les plateformes (Meta, X Corp) de supprimer les contenus identifiés et tout contenu similaire signalé, dans un délai d’une semaine, et de communiquer les données d’identification des auteurs ou vendeurs des contenus contrefaisants.
  • Autorisation de signification électronique compte tenu du grand nombre de défendeurs anonymes, et fixation d’une audience de suivi au 17 novembre 2025.

6. Portée et enseignements

Cette décision marque une étape décisive dans la consolidation du droit à la personnalité à l’ère de l’intelligence artificielle.

Elle confirme que l’exploitation non autorisée d’une image générée par IA constitue une atteinte directe aux droits fondamentaux et peut être sanctionnée sur le terrain de la concurrence déloyale, du droit d’auteur et du droit de la personnalité.

La Haute Cour souligne aussi le rôle actif attendu des intermédiaires numériques, désormais assimilés à de véritables co-responsables de la protection des droits individuels face aux manipulations algorithmiques.

Enfin, cette ordonnance s’inscrit dans une tendance jurisprudentielle indienne pionnière, où les juridictions de Delhi et de Bombay multiplient les décisions visant à protéger les artistes de Bollywood contre les deepfakes, la clonage vocal et l’usurpation d’image à des fins commerciales, anticipant ainsi les cadres juridiques encore en discussion dans de nombreux États occidentaux.

Vincent FAUCHOUX
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