Le 9 septembre 2025, le Tribunal des activités économiques de Paris a publié sa Charte d’utilisation des systèmes d’intelligence artificielle et des données personnelles et sensibles. Ce texte « a pour objectif d’encadrer l’utilisation des systèmes d’intelligence artificielle (…) tout en garantissant le respect de l’ensemble des règles de droit applicables ».
La charte affirme son ancrage dans un socle juridique pluriel et exigeant. Elle rappelle « les principes établis par l’édit de Paris de 1563 », le « serment du juge (art. L.722-7 du code de commerce) », mais aussi les normes contemporaines que sont le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) et le Règlement européen sur l’intelligence artificielle (AI Act) adopté en 2023. Le tribunal affirme ainsi qu’il entend réguler l’usage de l’IA dans la continuité d’une tradition séculaire, tout en répondant aux plus hauts standards européens actuels.
La référence à l’Édit de Paris de 1563 mérite d’être soulignée. Ce texte fondateur de la juridiction consulaire, promulgué à la Renaissance, plaçait le juge au cœur d’une mission nouvelle : dire le droit des affaires en conjuguant rigueur normative et sagesse humaniste.
Or, c’est précisément cette exigence de mesure et de prudence qui transparaît dans la charte du 9 septembre 2025. Le tribunal rappelle que l’intelligence artificielle doit être conçue « comme un outil complémentaire d’aide à la prise de décision, non comme un substitut à la décision humaine ». À l’instar des humanistes du XVIe siècle qui cherchaient à encadrer le pouvoir des innovations économiques et sociales, les juges d’aujourd’hui entendent préserver le rôle de la délibération humaine face aux potentialités et aux risques de la technologie.
La charte précise les conditions d’utilisation des systèmes d’IA. Les magistrats « ne recourent aux SIA que pour les assister dans l’exercice de leurs missions juridictionnelles et administratives et, compte tenu de l’impact environnemental, en ont une utilisation proportionnée et sobre ». Ils « utilisent exclusivement les SIA validés par le tribunal et vérifient l’exactitude des réponses produites ».
Les engagements portent également sur la protection des données. Les juges doivent « se conformer à la politique de protection des données personnelles du tribunal », « mettre en œuvre les meilleures pratiques pour la protection des données sensibles des justiciables » et « assurer à leur égard la transparence sur cette utilisation ». Les justiciables sont informés « dès lors que cette information est pertinente pour l’exercice ou la protection de leurs droits ».
Enfin, la charte prévoit un contrôle permanent : « toute anomalie produite par les SIA » doit être signalée au comité numérique, et les juges doivent suivre « une formation sur la réglementation et les bonnes pratiques concernant les SIA et la protection des données ».
Par ce texte, le Tribunal des activités économiques de Paris illustre la manière dont une juridiction peut conjuguer héritage et modernité. L’évocation de l’Édit de 1563 et du serment du juge inscrit l’encadrement des technologies dans la longue durée d’une tradition humaniste, tandis que la référence au RGPD et à l’AI Act en fait une démarche résolument contemporaine.
Comme l’affirme la charte, il s’agit d’« assurer une justice moderne, éthique et transparente ». Mais plus encore, c’est un signe que la juridiction commerciale parisienne entend réguler l’intelligence artificielle dans le respect de l’esprit de mesure hérité de la Renaissance.
Il s’agit là d’une initiative tout à fait remarquable et appréciable, qui montre que le tribunal prend le sujet de l’IA avec toute l’importance, et toute la responsabilité humaniste, qu’il mérite.