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1/12/25

Contrefaçon de logiciel dans le secteur de la robotique autonome : un arrêt classique et éclairant de la Cour d’appel de Bordeaux

Les décisions judiciaires consacrées à la contrefaçon de logiciel demeurent relativement peu nombreuses, et celles qui concernent directement le domaine de la robotique autonome sont plus rares encore. L’arrêt rendu le 18 novembre 2025 par la Cour d’appel de Bordeaux mérite ainsi une attention particulière. Par sa rigueur méthodologique et son classicisme éprouvé, il apporte un éclairage précieux sur les règles applicables en matière de titularité, d’originalité et de reproduction illicite de logiciel.

Au-delà de son intérêt juridique, l’affaire illustre aussi la complexité des chaînes technologiques dans un secteur où les briques logicielles se transmettent parfois d’un projet à l’autre, entre assistance à la personne et mobilité autonome. Ce contexte technique contribue à franchir un nouveau seuil de compréhension du litige.

1. Un litige emblématique de la robotique : du robot d’assistance à la navette autonome

L’origine de l’affaire remonte à la liquidation judiciaire d’une société pionnière de la robotique de service, spécialisée dans la conception de robots destinés à accompagner les personnes âgées ou à mobilité réduite. Son fonds de commerce, comportant notamment un logiciel de pilotage autonome, le logiciel en litige, est cédé en mai 2017 à la société Kompaï Robotics.

Ce logiciel avait été développé pour permettre à des robots d’assistance de se déplacer en intérieur, de contourner les obstacles, de suivre les mouvements d’un patient ou encore d’aider un aidant à se positionner. Il s’agissait d’un outil sophistiqué, combinant gestion des capteurs, navigation autonome, filtrage des données, traitement des trajectoires et ajustement en temps réel.
Autant de modules fondamentaux dans la robotique de service, mais également applicables, moyennant adaptations, à d’autres formes de robotique autonome.

Or, dans le même écosystème technologique, la société EasyMile développe des navettes autonomes de transport de passagers, telles que l’EZ-10, circulant dans des environnements contrôlés (campus, zones industrielles, espaces urbaines). Ces véhicules exigent eux aussi un système de pilotage intégrant la localisation, l’anticipation des obstacles et la prise de décision en continu.

C’est précisément cette transversalité des briques logicielles, certaines communes aux deux univers robotiques, qui éclaire le litige. Peu après l’acquisition, Kompaï découvre que le logiciel embarqué dans un robot issu de la liquidation présente des similarités frappantes avec certaines composantes du logiciel en litige. Une saisie-contrefaçon confirme la présence de fichiers identiques ou dérivés.

Le Tribunal judiciaire de Bordeaux reconnaît l’originalité du logiciel mais rejette la contrefaçon. Kompaï interjette appel. La Cour d’appel reprend alors l’ensemble du raisonnement, avec une finesse d’analyse notable.

2. Originalité du logiciel : la Cour consacre la valeur créative des choix techniques du développeur

La Cour d’appel rappelle que, pour être protégé par le droit d’auteur, un logiciel doit comporter des choix libres et créatifs exprimant la personnalité de son auteur, et non résulter d’une simple exécution automatique de contraintes techniques.

S’appuyant sur un rapport d’expertise privé contradictoire, la Cour relève que le développeur du logiciel en litige avait procédé à des arbitrages personnels dans la structuration du code, la surcharge d’opérateurs, l’architecture modulaire, le choix d’allocation mémoire ou encore la création de modules et de commentaires caractéristiques.
Ces éléments révèlent une démarche intellectuelle originale permettant de retenir la protection du logiciel par le droit d’auteur.
La Cour adopte ici une approche très classique, fidèle aux principes français et européens, et qui mérite d’être approuvée.

3. La reproduction illicite : preuve d’une utilisation active du code après la cession

La question cruciale était celle de l’existence d’actes de contrefaçon postérieurs à la cession, Kompaï n’étant titulaire des droits qu’à compter du 24 mai 2017.

Or, la Cour établit que plusieurs fichiers caractéristiques du logiciel en litige ont été ouverts, modifiés et committés par EasyMile en octobre 2017 et avril 2018. Ces opérations nécessitent une intervention active sur le code source et ne peuvent être assimilées à de simples manipulations d’archives techniques. Elles révèlent la poursuite d’une exploitation non autorisée.

Cette modification postérieure est déterminante : elle établit la contrefaçon.
La Cour condamne EasyMile et lui interdit de commercialiser des produits intégrant les fichiers litigieux.

S’agissant du préjudice, elle fixe l’indemnisation économique à 80 000 euros, correspondant à une redevance fictive valorisant l’utilisation de ces briques logicielles dans environ 80 robots. Elle alloue également 1 euro symbolique au titre du préjudice moral.

Conclusion : un arrêt clair, classique et salutaire pour la robotique autonome

Cet arrêt constitue une contribution importante à la jurisprudence française en matière de contrefaçon de logiciel dans un contexte technologique avancé.
Il rappelle que les droits sur un logiciel suivent le titulaire, que l’originalité peut résider dans des choix techniques subtils et que la contrefaçon peut résulter d’une utilisation active même partielle après la cession.

Pour les acteurs de la robotique, qu’il s’agisse de robots d’assistance ou de navettes autonomes, la décision offre un cadre juridique rassurant, fondé sur des principes stables et solidement appliqués.

Vincent FAUCHOUX
Image par Canva
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