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Actualité
9/12/22

Un nouvel arrêt de la CJUE précise la notion de preuves pertinentes se trouvant en la possession du défendeur ou d’un tiers

Le 10 novembre 2022, la Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée, dans le cadre d’une question préjudicielle posée par le tribunal de commerce de Barcelone1, sur l’interprétation de la notion de preuve pertinente au sens de l’article 5§1 de la directive 2014/104/UE du 26 novembre 2014 (la « Directive »). Cet article prévoit la possibilité pour le demandeur, dans le cadre d’une action en dommages et intérêts, de solliciter d’une juridiction nationale qu’elle enjoigne au défendeur ou à un tiers de divulguer un certain nombre d’informations qui se trouvent en sa possession.

Le litige au principal concernait une action en réparation faisant suite à la décision de la Commission européenne du 19 juillet 2016, qui a condamné plusieurs fabricants de camions pour avoir participé à un cartel de fixation du prix des camions vendus dans l’Union européenne. Les requérants ayant sollicité l’accès aux éléments de preuve détenus par les défenderesses, le tribunal de commerce de Barcelone s’interrogeait sur l’étendue de la notion de preuve pertinente au regard de l’article 5§1 de la Directive. En effet, en l’espèce, les documents sollicités incluaient des éléments non préexistants qui nécessitaient un travail d’élaboration, consistant en l’agrégation et la classification des données selon des paramètres définis par les demandeurs.

La question qui était posée à la Cour de justice était la suivante :

« L’article 5, paragraphe 1, de la directive [2014/104] doit-il être interprété en ce sens que la production de preuves pertinentes fait référence uniquement aux documents en [la] possession de la partie défenderesse ou d’un tiers qui existent déjà ou, au contraire, cette disposition inclut-elle également la possibilité de production de documents que la partie à laquelle la demande de production de preuves est adressée devrait créer ex novo, en agrégeant ou en classant des informations, des connaissances ou des données en sa possession ? ».

Tout d’abord, la Cour s’est prononcée sur l’applicabilité ratione temporis de l’article 5§1 de la Directive. Bien que les faits étaient antérieurs à l’entrée en vigueur de la Directive, la Cour a estimé que cette disposition, qui constitue une mesure procédurale, était bien applicable au litige en cause dès lors que l’action en réparation avait été introduite postérieurement à son entrée en vigueur.

Ensuite, sur le fond, la Cour a rappelé la finalité de l’article 5§1 de la Directive, à savoir remédier à l’asymétrie d’information entre les parties. En effet, à la différence de la victime d’une pratique anticoncurrentielle :

« l’auteur de l’infraction sait ce qu’il a fait et ce qui lui a été reproché et connait les preuves qui ont pu servir à la Commission européenne ou à l’autorité nationale de concurrence pour démontrer sa participation à un comportement anticoncurrentiel ».

À ce titre, la Cour a estimé que la mention de preuves pertinentes en la possession du défendeur à l’article 5§1 de la Directive vise également :

« celles que la partie à laquelle la demande de production de preuves est adressée devrait créer ex novo, en agrégeant ou en classant des informations, des connaissances ou des données en sa possession ».

Cependant, la Cour prend le soin de préciser que cette interprétation de l’article 5§1 de la Directive ne saurait avoir pour effet de permettre une « pêche aux informations » dès lors que les juridictions nationales saisies d’une demande de production de pièces devront, en application des §3 et 4, procéder à une mise en balance des intérêts légitimes des parties et des tiers concernés. Elles devront alors apprécier (i) la pertinence des preuves demandées, (ii) le lien entre ces preuves et la demande indemnitaire présentée, (iii) le caractère suffisant du degré de précision desdites preuves et (iv) la proportionnalité de celles-ci, à savoir le caractère adéquat ou non de la charge de travail et du coût occasionné par la constitution ex novo de supports physiques.

En conséquence, si cela est justifié, l’auteur de l’infraction pourra désormais être contraint de constituer ex novo des preuves documentaires au bénéfice de la victime ayant formé une action en réparation devant les juridictions.

Philippe BONNET / Hadrien JOLIVET‍ / Hortense FLECK
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