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Intelligence Artificielle : quels enjeux juridiques ?
Actualité
22/7/25

Première Class Action américaine sur l’IA générative : le tribunal fédéral de Californie autorise une procédure contre Anthropic PBC

Le 17 juillet 2025, le United States District Court for the Northern District of California a rendu une décision d’importance majeure en matière de propriété intellectuelle et d’intelligence artificielle. Le juge a autorisé, pour la première fois aux États-Unis, la certification d’une Class Action visant à sanctionner l’entraînement illicite de modèles d’intelligence artificielle sur des millions d’œuvres protégées. Cette procédure oppose un collectif d’auteurs et d’ayants droit à Anthropic PBC, acteur majeur du secteur de l’IA générative.

Parties au litige : un collectif d’auteurs et de titulaires de droits face à un leader de l’IA

La procédure a été initiée par plusieurs écrivains de renom et leurs entités juridiques respectives :

  • Andrea Bartz, auteur à succès, connue pour ses romans The Lost Night et The Herd, agit en son nom propre et au nom de sa société Andrea Bartz Inc.
  • Charles Graeber, journaliste et essayiste, célèbre pour ses ouvrages The Good Nurse et The Breakthrough.
  • Kirk Wallace Johnson, écrivain et fondateur de MJ + KJ Inc., à qui l’on doit les essais To Be A Friend Is Fatal et The Feather Thief.

Ces demandeurs affirment détenir les droits exclusifs sur les œuvres concernées, qu’ils exploitent à titre individuel ou via leurs structures d’édition. Ils ont engagé la procédure en qualité de représentants d’un ensemble plus large d’ayants droit, dont les œuvres auraient été reproduites sans autorisation par Anthropic.

La partie défenderesse, Anthropic PBC, est une entreprise américaine spécialisée dans le développement de modèles d’IA générative, notamment la famille de modèles Claude. Fondée en 2021 et aujourd’hui considérée comme l’un des principaux acteurs du secteur aux côtés d’OpenAI et Google DeepMind, Anthropic est accusée d’avoir utilisé des copies illicites d’œuvres protégées pour former ses modèles de langage, sans obtenir l’autorisation préalable des titulaires de droits ni verser la moindre rémunération.

Faits à l’origine du litige : l’utilisation d’œuvres piratées pour entraîner des modèles d’IA

Les demandeurs reprochent à Anthropic d’avoir massivement téléchargé et exploité des copies non autorisées de livres pour l’entraînement de ses modèles d’IA. Entre 2021 et 2022, Anthropic aurait accédé à :

  • environ 196 640 copies issues de Books3,
  • plus de 5 millions d’ouvrages via Library Genesis (LibGen),
  • et près de 2 millions de livres à partir de PiLiMi, un miroir de la célèbre bibliothèque pirate Z-Library.

Ces fichiers auraient été obtenus par des téléchargements BitTorrent et conservés dans la bibliothèque de données d’Anthropic afin d’être intégrés à des ensembles d’entraînement de grande ampleur. Les demandeurs soulignent que les métadonnées des fichiers téléchargés (ISBN, ASIN, hash MD5) permettent d’identifier précisément les œuvres reproduites sans autorisation.

Fondements juridiques et argumentation des parties

Les demandeurs fondent leur action sur les dispositions du Copyright Act (17 U.S.C. § 101 et s.), en particulier sur le droit exclusif de reproduction prévu à l’article 106(1). Ils soutiennent que :

  • Anthropic a reproduit et stocké leurs œuvres protégées sans autorisation,
  • ces reproductions étaient destinées à un usage commercial (entraînement de modèles de langage de grande ampleur),
  • et l’exploitation de ces œuvres, sans compensation, constitue une violation manifeste de leurs droits patrimoniaux.

Anthropic s’est opposée à la certification de la Class Action, avançant principalement que :

  • la diversité des œuvres concernées et des ayants droit rend impossible la constitution d’une classe homogène,
  • certaines copies téléchargées seraient incomplètes ou corrompues, ce qui empêcherait la démonstration d’une violation,
  • et l’identification précise de toutes les œuvres reproduites poserait des difficultés techniques insurmontables.

Motivation de la décision : pragmatisme judiciaire et protection des droits d’auteur

Le tribunal, sous la présidence du juge William Alsup, a écarté les arguments d’Anthropic, soulignant que :

  • l’identification des œuvres téléchargées est techniquement réalisable grâce aux métadonnées (ISBN, ASIN, hash MD5),
  • les questions de droit et de fait soulevées (validité des droits, preuve des atteintes, évaluation des dommages) présentent une communauté d’intérêts suffisante,
  • et une Class Action est le mécanisme le plus adapté pour traiter une atteinte systémique de cette ampleur.

Le juge a toutefois limité la certification à une catégorie précise, la “LibGen & PiLiMi Pirated Books Class”, définie comme :

« Tous les propriétaires légaux ou bénéficiaires des droits exclusifs de reproduction d’œuvres protégées téléchargées par Anthropic depuis LibGen ou PiLiMi, à condition que ces œuvres aient été enregistrées auprès du Copyright Office dans les cinq années suivant leur publication. »

Les demandes de certification concernant les catégories “Books3 Pirated Books Class” et “Scanned Books Class” ont été rejetées, faute de preuves suffisantes.

Mesures prononcées par le tribunal

Le tribunal a :

  • Certifié la Class Action pour les œuvres issues de LibGen et PiLiMi.
  • Ordonné la notification des ayants droit dont les œuvres figurent dans les ensembles de données identifiés.
  • Exigé des demandeurs qu’ils fournissent, avant le 1er septembre 2025, une liste détaillée des œuvres concernées accompagnée des certificats d’enregistrement.

Appréciation : une avancée jurisprudentielle majeure

Cette décision marque une étape déterminante dans la régulation des pratiques d’entraînement des modèles d’IA générative. En autorisant cette Class Action, la justice américaine envoie un signal fort aux acteurs du secteur : l’entraînement des modèles ne saurait se faire au mépris des droits d’auteur.

Elle pourrait inspirer des initiatives similaires dans d’autres juridictions et contribuer à l’élaboration de standards internationaux pour un usage éthique et licite des œuvres protégées dans le domaine de l’intelligence artificielle.

Cet article est rédigé par un avocat français, spécialiste en propriété intellectuelle et en intelligence artificielle. Pour tout conseil en droit américain, il est recommandé de consulter un avocat local compétent.

Vincent FAUCHOUX
Image par Canva
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