


Un slogan revendiquant la “liberté” de Mickey peut-il devenir une marque pour des vêtements ?
La décision rendue dans l’opposition B 3 229 556 rejette la demande de marque de l’Union européenne n° 19 069 735, composée du signe verbal « MICKEY IS FREE! » et déposée pour des vêtements de classe 25, notamment t-shirts, sweatshirts, hoodies, vestes et chemises à manches longues.
La société Disney Enterprises, Inc. s’y opposait en invoquant sa marque antérieure n° 18 790 923, comprenant le terme MICKEY, la mention DISNEY, la locution & CO., ainsi qu’une représentation figurative de la tête de Mickey Mouse. L’opposant soutenait qu’un risque de confusion existait, y compris sous la forme d’un risque d’association.
Le déposant affirmait au contraire que son slogan constituait une expression artistique autonome, inspirée par l’entrée (partielle et territorialisée) de la version « Steamboat Willie » dans le domaine public américain. Il ajoutait que l’apposition de mentions telles que « Don’t be confused! Nothing (…) to do with Disney Co. » suffirait à écarter tout risque de confusion sur l’origine des produits. La décision démontre précisément l’inefficacité de ce raisonnement.

La division d’opposition retient l’identité des produits visés, certains étant repris mot pour mot par la marque antérieure et d’autres étant inclus dans des catégories plus larges déjà protégées (ainsi, hoodies compris dans sweatshirts, long-sleeved shirts compris dans shirts).
Le déposant soutenait que son streetwear, vendu comme “militant”, s’adresserait à un public spécifique et ne serait pas commercialisé dans les circuits traditionnels. L’Office rejette cet argument en rappelant que l’analyse des produits est indépendante des stratégies commerciales déclarées, celles-ci étant indifférentes à l’examen d’une opposition.
De même, les disclaimers commerciaux affichés sur les vêtements ou sur un site Internet sont dépourvus de pertinence juridique. L’examen porte uniquement sur le signe en lui-même, tel qu’il serait perçu en tant que marque, et non sur les messages ultérieurs qui chercheraient à influencer cette perception.
L’EUIPO confirme que l’élément MICKEY constitue l’élément dominant des deux signes. Dans le domaine vestimentaire, ce terme ne décrit aucune caractéristique du produit et possède donc un caractère distinctif normal. La marque antérieure inclut en outre la représentation figurative de la tête du personnage, renforçant le lien univoque avec Mickey Mouse, tandis que les termes DISNEY et & CO. y jouent un rôle secondaire.
Dans le signe contesté, l’expression « IS FREE! », bien que soulignée par un point d’exclamation, ne modifie pas la perception centrale du terme MICKEY. L’EUIPO précise que l’idée d’une “libération dans le domaine public” suppose un raisonnement juridique et culturel complexe, peu envisageable pour le consommateur moyen de vêtements. Cette justification créative ne crée donc aucune rupture conceptuelle suffisante.
L’analyse conduit finalement à :
Pour apprécier le risque de confusion, l’Office intègre les pratiques du marché de l’habillement, caractérisé par de fréquentes déclinaisons de marques, notamment sous-marques, slogans thématiques, collaborations, éditions limitées ou variations humoristiques. Le consommateur, d’attention moyenne, est donc habitué à ce qu’une marque principale décline son capital distinctif sous des formes expressives variées.
Dans ce contexte, le slogan « MICKEY IS FREE! » sera aisément interprété comme une sous-collection audacieuse issue de l’univers Disney, destinée à une clientèle jeune ou à une capsule “rebelle”. Cette perception suffit à caractériser un risque d’association, lequel constitue une modalité autonome du risque de confusion.
L’EUIPO souligne enfin qu’il n’était même pas nécessaire d’examiner une éventuelle distinctivité renforcée de la marque antérieure : un caractère distinctif normal suffit à exclure l’enregistrement de la marque contestée.
La décision rappelle utilement que le domaine public n’est pas un passeport pour s’approprier un signe à titre de marque, notamment lorsqu’il sert à exploiter un capital distinctif existant. Le slogan « MICKEY IS FREE! » prétend jouer la subversion ; juridiquement, il repose sur l’attraction même qu’il feint de déjouer. La liberté artistique ne libère pas un signe de son statut de marque, ni de la fonction d’indication d’origine qu’il véhicule.
L’audace graphique ne suffit pas à “libérer” Mickey : la marque résiste au slogan.

