En 2025, l’Italie est devenue le premier État membre de l’Union européenne à adopter une législation nationale d’ensemble sur l’intelligence artificielle, après l’adoption du règlement européen dit « AI Act ». La loi n° 1146-B, approuvée au printemps 2025, établit une stratégie nationale pour l’IA, renforce la gouvernance institutionnelle, encadre des usages sectoriels sensibles et introduit de nouvelles infractions pénales. Elle illustre une volonté claire : conjuguer innovation et sécurité juridique, tout en assurant une mise en cohérence avec le droit de l’Union européenne.
La loi n° 1146-B a été approuvée par le Sénat italien le 20 mars 2025, puis définitivement adoptée par la Chambre des députés le 25 juin 2025. Le texte entrera en vigueur après sa promulgation et sa publication au Journal officiel italien. Il prévoit par ailleurs un délai de douze mois pour l’adoption de décrets législatifs d’application, afin de préciser certains mécanismes techniques et organisationnels.
La loi se fonde sur une approche anthropocentrique de l’intelligence artificielle : promouvoir la recherche et l’innovation, mais dans un cadre responsable, transparent et respectueux des droits fondamentaux. L’usage de l’IA est conçu comme un instrument d’efficacité et de modernisation, sous réserve que la responsabilité humaine demeure exclusive. Le texte met également en avant la nécessité d’anticiper les risques économiques, sociaux et éthiques liés à l’essor de ces technologies.
La stratégie nationale pour l’intelligence artificielle est placée sous la coordination de la Présidence du Conseil des ministres, avec validation par le Comité interministériel pour la transition digitale. Deux agences sont spécifiquement désignées comme autorités nationales : l’Agenzia per l’Italia digitale (AgID), compétente en matière d’innovation et de notification, et l’Agenzia per la cybersicurezza nazionale (ACN), responsable de la surveillance, des inspections et des sanctions. Ces autorités exercent également les fonctions d’autorités de surveillance au sens du règlement européen, en coopération avec la Banque d’Italie, la CONSOB et l’IVASS pour les secteurs bancaire, financier et assurantiel.
La loi encadre l’usage de l’IA dans plusieurs secteurs clés. Dans le domaine du travail, elle prohibe les usages discriminatoires et impose une obligation d’information des travailleurs. Dans l’administration publique, elle encourage le recours à l’IA pour améliorer l’efficacité des services, tout en confirmant la primauté de la décision humaine. Dans le secteur judiciaire, elle autorise des expérimentations encadrées et impose la formation numérique des magistrats. Enfin, des règles spécifiques concernent la police et la sécurité publique.
Le texte comporte également un volet répressif innovant : création d’une nouvelle infraction pénale de diffusion de contenus deepfakes, aggravation des sanctions pour les infractions commises au moyen de l’IA, encadrement de la responsabilité civile avec des obligations de sécurité renforcées et aménagement de la charge de la preuve pour certains systèmes à haut risque.
La loi italienne n’est pas isolée : elle s’inscrit explicitement dans le cadre tracé par le règlement (UE) 2024/1689, dit « AI Act ». Ses dispositions doivent être interprétées en cohérence avec ce règlement, et les autorités nationales désignées (AgID et ACN) exercent les fonctions prévues par le droit de l’Union. Le gouvernement italien est habilité à adopter, dans les douze mois, des décrets législatifs visant à harmoniser le droit interne avec le règlement européen, notamment pour la notification des systèmes, la surveillance de leur conformité et la mise en œuvre des régimes de sanction. Loin d’être concurrente, la loi nationale est conçue comme un outil d’accompagnement et d’anticipation, permettant de préparer l’application effective de l’AI Act sur le territoire italien.
👉 Texte intégral de la loi italienne sur l’intelligence artificielle (PDF)