Les juridictions indiennes se placent aujourd’hui à l’avant-garde du combat judiciaire contre les deepfakes, dans un pays où l’industrie cinématographique constitue un pilier culturel et économique majeur. Après la décision emblématique rendue en faveur de l’acteur Anil Kapoor, mondialement connu pour son rôle dans Slumdog Millionaire, la High Court de Delhi a récemment accordé à Aishwarya Rai Bachchan une protection renforcée de ses personality rights.
Dans cette affaire, l’actrice avait saisi la cour afin de faire interdire l’utilisation de son nom, de son image et de sa ressemblance dans des contenus générés artificiellement, notamment des vidéos deepfake à caractère dégradant et des publicités en ligne diffusées sans autorisation. Le juge a considéré que la diffusion de tels contenus était susceptible de causer un préjudice irréparable à sa réputation et à sa dignité, et a prononcé une interim injunction interdisant immédiatement toute exploitation commerciale ou non autorisée de son image manipulée. Cette décision illustre la réactivité des tribunaux indiens face à la montée en puissance des atteintes numériques à la personnalité des célébrités.
Si une telle affaire avait été jugée en France, les juridictions auraient sans doute adopté une solution similaire, mais sur d’autres fondements : le droit à l’image consacré par l’article 9 du Code civil, les règles pénales relatives aux montages sans consentement (article 226-8 du Code pénal), et, plus récemment, les obligations de transparence introduites par la loi du 9 juin 2023 sur les contenus numériques retouchés ou artificiels.
La convergence est claire : l’objectif des juges, en Inde comme en France, est de faire cesser rapidement l’atteinte à la réputation et à la dignité des personnalités publiques, tout en prenant en compte la valeur économique considérable de leur image. Les outils diffèrent — personality rights en Inde, droit à l’image et vie privée en France — mais la finalité demeure la même.
Un grand merci à Pravin Anand, du cabinet Anand and Anand et membre actif de notre association internationale ILAAI (International Law Association for Artificial Intelligence), pour son rôle pionnier dans ces contentieux. À travers ses membres, l’ILAAI se trouve ainsi aux premières lignes de la réflexion et de l’action judiciaire sur les enjeux posés par l’intelligence artificielle dans le monde entier.