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Actualité
30/10/25

L’éclat de l’originalité : la Cour d’appel de Paris confirme la protection des bijoux de La Coque de Nacre

Par un arrêt du 3 octobre 2025, la Cour d’appel de Paris a infirmé le jugement rendu le 14 juin 2024 par le Tribunal judiciaire de Paris, reconnaissant à la société La Coque de Nacre la protection de cinq de ses bijoux au titre du droit d’auteur, et celle d’un modèle au titre du dessin ou modèle communautaire non enregistré.
La société Satine, qui avait importé et commercialisé des copies de ces bijoux depuis la Chine, est condamnée pour contrefaçon, à hauteur de 50 000 euros de dommages et intérêts, assortis de mesures d’interdiction et de destruction.

1. Les faits : la reproduction servile d’une collection de bijoux contemporains

Créatrice et distributrice de bijoux en argent et plaqué or, La Coque de Nacre commercialise ses modèles auprès de professionnels sous la marque « Bijoux CN ».
En février 2022, la société découvre que plusieurs de ses créations (colliers, bracelets et boucles d’oreilles) sont proposés à la vente par la société Satine, qui les importe de Chine et les revend à bas prix sur le marché français.

Une saisie-contrefaçon autorisée par ordonnance du 14 juin 2022 met en évidence la reprise quasi identique de cinq modèles appartenant à La Coque de Nacre.
Assignée en contrefaçon de droits d’auteur, de modèles communautaires non enregistrés et, subsidiairement, en concurrence déloyale et parasitisme, la société Satine avait obtenu gain de cause devant le Tribunal judiciaire de Paris.
La Cour d’appel a toutefois infirmé cette décision sur toute la ligne.

2. L’originalité consacrée : la liberté créative au cœur de la protection par le droit d’auteur

La Cour rappelle d’abord les principes issus des articles L.112-1 et L.112-2, 10° du Code de la propriété intellectuelle, selon lesquels les œuvres des arts appliqués bénéficient de la protection du droit d’auteur dès lors qu’elles portent l’empreinte de la personnalité de leur auteur, indépendamment de tout mérite ou destination.

La société Satine contestait l’originalité des bijoux, arguant qu’ils s’inscrivaient dans un style commun, « ethnique chic », très présent dans la bijouterie fantaisie.
La Cour rejette cette argumentation : elle relève que La Coque de Nacre ne revendique pas un style, mais bien une combinaison particulière d’éléments ornementaux traduisant des choix libres et arbitraires.

Elle décrit avec précision les caractéristiques esthétiques des cinq modèles en cause :

  • le contraste entre la douceur d’un cabochon et l’aspect brut d’une structure métallique martelée,
  • la rencontre symbolique du soleil et de la lune évoquée par un motif en croissant,
  • ou encore la disposition dissymétrique de cercles concentriques suggérant l’alignement de planètes.

Ces partis pris esthétiques, fruits d’un véritable effort créatif, traduisent une démarche personnelle qui confère à chaque bijou une physionomie propre.
La Cour consacre ainsi l’originalité de l’ensemble des cinq modèles (n°1 à 5), lesquels bénéficient de la protection du droit d’auteur.

3. Le cumul admis avec la protection des modèles communautaires non enregistrés

La société La Coque de Nacre revendiquait en outre la protection de deux de ses bijoux (n°1 et n°5) sur le fondement du Règlement (CE) n° 6/2002 du 12 décembre 2001.
La Cour rappelle qu’un dessin ou modèle non enregistré est protégé s’il est nouveau et s’il présente un caractère individuel, en produisant sur l’utilisateur averti une impression globale différente de celle suscitée par tout modèle antérieurement divulgué (art. 4, 5 et 6 du Règlement).

Après avoir constaté que le modèle n°1 avait été divulgué dès 2017, et que sa protection triennale était expirée à la date de l’assignation, la Cour retient, en revanche, que le modèle n°5 — des boucles d’oreilles à pierre centrale sertie et motif géométrique irrégulier — remplit les conditions requises.
La comparaison avec une création antérieure invoquée par Satine met en évidence une impression visuelle globale différente, caractérisant le caractère individuel du modèle.

Le bijou n°5 bénéficie donc de la double protection du droit d’auteur et du modèle communautaire non enregistré.

4. La contrefaçon caractérisée : la reprise des éléments caractéristiques dans une combinaison identique

S’appuyant sur les procès-verbaux de constat du 12 mai 2022 et de saisie-contrefaçon du 16 juin 2022, la Cour constate que les bijoux importés et commercialisés par Satine reprennent à l’identique les éléments caractéristiques des cinq créations litigieuses, reproduisant ainsi leur combinaison originale.
Les différences mineures invoquées sont qualifiées de détails insignifiants, incapables d’altérer l’impression d’ensemble sur l’utilisateur averti (art. 10 du Règlement précité).

La contrefaçon de droits d’auteur et de modèle communautaire non enregistré est dès lors pleinement établie.
La demande subsidiaire en concurrence déloyale et parasitisme devient sans objet.

5. Les mesures de réparation : interdiction, destruction et indemnisation

La Cour ordonne l’interdiction de toute commercialisation future des bijoux litigieux, sous astreinte de 300 euros par infraction constatée, et leur destruction aux frais de Satine.
Elle condamne en outre cette dernière à verser à La Coque de Nacre :

  • 50 000 euros de dommages et intérêts pour réparer le préjudice économique et moral subi,
  • 10 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
  • ainsi que les dépens de première instance et d’appel.

6. Un arrêt de principe pour les créateurs du secteur de la bijouterie

Par cette décision, la Cour d’appel de Paris illustre avec clarté la complémentarité des régimes de protection applicables aux créations de mode et de bijouterie.
L’arrêt rappelle que, même dans un secteur soumis aux tendances et à la récurrence des formes, la combinaison originale d’éléments choisis librement demeure protégée, dès lors qu’elle porte la marque de la personnalité du créateur.

L’affaire souligne également l’intérêt pratique du modèle communautaire non enregistré, offrant une protection immédiate pour les créations nouvellement divulguées sur le marché européen, tout en complétant utilement le droit d’auteur.

En somme, la Cour réaffirme que la créativité ne se dilue pas dans la mode : l’originalité, lorsqu’elle s’exprime dans un parti pris esthétique identifiable, reste juridiquement protégeable.

Vincent FAUCHOUX
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