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Getty Images v. Stability AI
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Actualité
4/11/25

Getty Images v. Stability AI : un jugement clé sur la responsabilité de l’intelligence artificielle générative en matière de propriété intellectuelle

I. Les faits litigieux

Le 4 novembre 20251, la High Court of Justice de Londres a rendu un jugement particulièrement attendu dans l’affaire Getty Images (US) Inc. et autres v. Stability AI Limited, opposant l’un des principaux fournisseurs mondiaux d’images sous licence à un acteur majeur de l’intelligence artificielle générative.

La société Getty Images, titulaire de millions de photographies et vidéos protégées par le droit d’auteur ainsi que des marques GETTY IMAGES et ISTOCK, reprochait à Stability AI d’avoir utilisé, sans autorisation, des millions d’images issues de ses bases de données pour entraîner son modèle d’intelligence artificielle Stable Diffusion.

Selon Getty Images, cette utilisation illicite constituait :

  • une violation de ses droits d’auteur et de ses droits sur base de données ;
  • une atteinte à ses marques enregistrées, du fait de la génération d’images synthétiques reproduisant ses filigranes “Getty Images” ou “iStock” ;
  • ainsi qu’un acte de passing off, c’est-à-dire une appropriation trompeuse de sa réputation commerciale.

Les images litigieuses provenaient notamment du jeu de données LAION-5B, un immense corpus de paires texte-image constitué par le scraping de plusieurs milliards d’images sur Internet, dont un nombre significatif d’images hébergées sur les sites de Getty.

Stability AI reconnaissait que « certaines » images issues des bases Getty figuraient dans les données d’entraînement, mais contestait toute responsabilité :

  • l’entraînement aurait été réalisé hors du Royaume-Uni ;
  • les générateurs d’images fonctionnant en open source ne seraient pas des « copies » au sens du droit d’auteur ;
  • et les reproductions de filigranes résultaient d’initiatives d’utilisateurs tiers, sans lien direct avec la société.

II. Les questions juridiques en débat

L’affaire posait plusieurs questions inédites quant à l’application du Copyright, Designs and Patents Act 1988 (CDPA) et du Trade Marks Act 1994 (TMA) aux systèmes d’intelligence artificielle générative.

1. La responsabilité juridique de Stability AI

La juge Joanna Smith a d’abord examiné si Stability AI pouvait être tenue pour responsable des actes de reproduction et de diffusion intervenus lors du développement et de la mise à disposition du modèle Stable Diffusion (versions 1.x et 2.x).

Elle a relevé que les premières versions avaient été publiées sur les plateformes CompVis GitHub et Hugging Face à l’initiative d’équipes universitaires allemandes, et non par Stability AI elle-même. La Cour a donc conclu que la responsabilité juridique directe de Stability AI n’était pas établie pour ces actes de publication open source, celle-ci n’en étant ni l’auteur ni l’éditeur principal.

2. L’atteinte aux marques Getty Images et iStock

Le cœur du débat portait sur la reproduction, dans certaines images générées, des filigranes “Getty Images” ou “iStock” protégés à titre de marques.

Le tribunal a procédé à une analyse détaillée des trois fondements prévus par le Trade Marks Act 1994 :

  • Section 10(1) : usage identique pour des produits identiques ;
  • Section 10(2) : usage similaire créant un risque de confusion ;
  • Section 10(3) : usage portant atteinte à la renommée ou profitant indûment de la marque.

Après examen des expériences techniques produites par Getty Images et par Stability AI, la Cour a retenu que :

  • certains watermarks iStock avaient effectivement été reproduits dans des images générées via DreamStudio ou la Developer Platform, caractérisant une infringement au titre de la section 10(1) ;
  • quelques occurrences pouvaient également relever de la section 10(2), en raison d’un risque de confusion ponctuel pour le consommateur moyen ;
  • en revanche, aucune infraction n’était établie au titre de la section 10(3) : la preuve d’un préjudice à la réputation ou d’un avantage injustifié n’était pas rapportée.

La juge souligne que ces occurrences demeuraient très limitées, isolées et désormais résolues dans les versions postérieures du modèle (2.x et XL).

3. Le “Secondary Infringement” de copyright

Getty Images invoquait également une contrefaçon secondaire fondée sur les articles 22 à 27 CDPA, estimant que le modèle Stable Diffusion constituait un « infringing copy » des œuvres protégées.

La Cour rejette cette qualification :

  • le modèle d’intelligence artificielle n’est pas un “article” au sens du CDPA ;
  • il ne contient aucune copie stockée des œuvres ;
  • et surtout, les opérations d’entraînement s’étant déroulées en dehors du Royaume-Uni, la compétence territoriale du CDPA ne pouvait s’appliquer.

Le Secondary Infringement Claim est donc intégralement rejeté.

4. Les questions de licence et de titularité des droits

Un volet secondaire du litige concernait la validité et la portée des contrats de licence conclus entre Getty Images et ses contributeurs (photographes et vidéastes).

La Cour confirme le caractère exclusif de plusieurs modèles de contrats types, donnant à Getty Images qualité pour agir en son nom.

Cette question, purement structurelle, n’affecte toutefois pas le sort du litige principal, la responsabilité de Stability AI ayant été écartée sur le terrain du droit d’auteur.

III. La décision du tribunal

Au terme de près de trois semaines d’audience et d’un jugement de plus de 200 pages, la High Court statue comme suit :

  1. Rejet intégral du “Secondary Infringement Claim” : Stable Diffusion ne constitue pas une copie contrefaisante et ne viole pas le CDPA.
  2. Succès partiel du “Trade Mark Infringement Claim” : quelques reproductions fortuites des marques iStock ont été constatées dans des images générées via des versions antérieures du modèle, justifiant un constat d’infraction limitée.
  3. Rejet du “Passing Off Claim” : absence de preuve d’une confusion ou d’un préjudice commercial.
  4. Aucun dommage additionnel ni injonction : la Cour estime que les infractions reconnues sont purement historiques et d’ampleur marginale.

Dans ses termes, la juge Smith conclut :

“Although Getty Images succeed (in part) in their Trade Mark Infringement Claim, my findings are both historic and extremely limited in scope. The Secondary Infringement Claim fails.”

IV. Absence de sanctions financières à ce stade

La Cour précise que l’audience du printemps 2025 constituait une liability trial, c’est-à-dire une procédure limitée à la détermination du principe de la responsabilité, conformément à une ordonnance du 22 avril 2024 (« Master McQuail ordered a first trial to determine liability »).

En conséquence :

  • aucune sanction financière n’a été prononcée ;
  • les questions relatives aux dommages-intérêts, mesures d’injonction, publication judiciaire ou autres réparations sont réservées à une phase ultérieure dite “quantum trial”, qui ne sera ouverte que si les parties l’estiment nécessaire.

Cette approche, fréquente dans les contentieux techniques de propriété intellectuelle, permet de traiter d’abord les questions de principe avant de chiffrer, le cas échéant, le préjudice subi.

V. Portée et enseignements

Cette décision marque une étape déterminante dans la confrontation entre droit de la propriété intellectuelle et intelligence artificielle générative :

  • Elle confirme que le modèle d’IA n’est pas, en lui-même, une reproduction d’œuvre protégée, mais le résultat d’un processus d’apprentissage statistique.
  • Elle consacre la limite territoriale du droit d’auteur britannique pour des actes techniques d’entraînement réalisés à l’étranger.
  • Elle circonscrit la responsabilité du fournisseur d’IA aux seuls cas d’usage commercial identifiable en son nom, excluant les comportements autonomes des utilisateurs finaux.

En reconnaissant une atteinte aux marques limitée et purement historique, la High Court trace une ligne claire :

l’innovation algorithmique n’est pas, en soi, illicite, mais doit s’accompagner d’une vigilance accrue sur l’usage des signes distinctifs et sur la transparence des jeux de données.

VI. Conclusion

L’arrêt Getty Images v. Stability AI constitue une décision de référence en Europe sur la responsabilité des acteurs de l’intelligence artificielle.

Il rappelle la complexité du dialogue entre création humaine et création algorithmique, et l’importance d’un équilibre entre protection des titulaires de droits et développement responsable des technologies d’IA.

Les suites éventuelles de cette affaire, notamment une phase de chiffrage des dommages (quantum phase), feront l’objet d’une attention particulière, tant de la part des juristes que des développeurs d’IA

Vincent FAUCHOUX

1 High Court of Justice (Business and Property Courts of England and Wales, Intellectual Property List, Chancery Division), 4 novembre 2025, [2025] EWHC 2863 (Ch)

Mrs Justice Joanna Smith DBE

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