Le 2 juillet 2025, le Tribunal de l’Union européenne, statuant en formation élargie, a rendu un arrêt de principe dans le contentieux opposant Ferrari SpA à l’EUIPO et à M. Kurt Hesse au sujet de la marque verbale « TESTAROSSA ».
L’affaire portait sur la question cruciale de l’usage sérieux d’une marque de l’Union européenne au sens de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001, dans un contexte particulier : la revente de produits d’occasion par des tiers, avec le consentement implicite du titulaire.
Ferrari SpA est titulaire d’un enregistrement international désignant l’Union européenne pour la marque verbale « TESTAROSSA » couvrant notamment les véhicules automobiles (classe 12).
Le 7 septembre 2015, M. Kurt Hesse a introduit une demande en déchéance pour défaut d’usage sérieux.
La division d’annulation de l’EUIPO a partiellement accueilli cette demande, rejetant toutefois la déchéance pour les « automobiles ».
Les deux parties ont formé un recours :
La chambre de recours de l’EUIPO, par décision du 29 août 2023, a fait droit au recours de M. Hesse et rejeté celui de Ferrari, prononçant la déchéance pour l’ensemble des produits. Ferrari a alors saisi le Tribunal.
L’affaire soulevait plusieurs questions essentielles :
Le Tribunal rappelle que « la revente, en tant que telle, d’un produit d’occasion revêtu d’une marque ne constitue pas nécessairement un usage sérieux » mais qu’« il demeure possible de considérer comme usage sérieux la revente effectuée par le titulaire lui-même ou par des tiers avec son consentement, dès lors que cet usage respecte la fonction essentielle de la marque » (pt 30-31).
Le Tribunal relève qu’aucune voiture neuve « TESTAROSSA » n’avait été produite pendant la période pertinente, mais que des ventes d’occasion avaient été réalisées par des concessionnaires ou distributeurs agréés.
Il juge que « la vente d’une voiture d’occasion de la marque contestée par un concessionnaire ou un distributeur agréé (…) constitue un indice que celle-ci est effectuée avec le consentement implicite du titulaire » (pt 39).
Ce consentement implicite ne peut résulter de la seule connaissance de l’usage par le titulaire, mais suppose une implication effective dans cet usage.
Ferrari proposait un service de certification attestant l’authenticité des véhicules d’occasion « TESTAROSSA », service fourni sous la marque, conjointement avec la marque « Ferrari ».
Le Tribunal estime qu’« un service se rapportant directement aux produits déjà commercialisés et visant à satisfaire les besoins de la clientèle (…) est susceptible de constituer un usage sérieux » (pt 48).
Le Tribunal constate que ces produits étaient vendus par des distributeurs agréés sous la marque contestée et que Ferrari proposait un service de vérification de leur origine.
Il précise que « l’usage d’une marque enregistrée pour des pièces détachées composant un produit peut constituer un usage pour le produit lui-même, sauf si ces pièces constituent une sous-catégorie autonome » (pt 99).
Or, la chambre de recours avait considéré, à tort, que les pièces et les automobiles provenaient nécessairement de fabricants distincts.
Le Tribunal annule intégralement la décision de la chambre de recours, estimant que Ferrari a démontré :
Cette décision « remet la Ferrari au milieu du village » : elle clarifie la jurisprudence issue de l’arrêt Ferrari de 2020 (C-720/18 et C-721/18) et confirme qu’une marque peut conserver sa protection, même en l’absence de production récente de produits neufs, dès lors que son usage, y compris pour des produits d’occasion ou des services associés, est avéré et conforme aux usages du marché.
Elle souligne aussi l’importance stratégique pour les titulaires de marques emblématiques de documenter l’ensemble des formes d’exploitation, ventes, services, certification, pour préserver leurs droits.