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Actualité
11/8/25

Dior garde un œil sur ses lunettes : Showroomprivé.com reste dans le champ du Tribunal judiciaire de Paris

Le 2 juillet 2025, la 3e chambre, 3e section, du Tribunal judiciaire de Paris a rendu une ordonnance importante pour le secteur du luxe et de la distribution sélective. Saisi d’une exception d’incompétence par la société britannique Luxoptics Ltd, fournisseur de la plateforme Showroomprivé.com, le juge de la mise en état a confirmé la compétence exclusive de cette juridiction pour connaître d’un litige portant sur l’usage de marques de luxe, en l’occurrence celles de Christian Dior Couture.

Derrière un débat de compétence, l’ordonnance réaffirme un principe fondamental : dans le luxe, le contrôle de la marque s’exerce à chaque étape de la vie du produit, depuis sa conception jusqu’à sa distribution au consommateur final.

Le contexte du litige

À l’origine de l’affaire, Christian Dior Couture reprochait à Showroomprivé.com la vente de lunettes portant le signe « Dior » sans autorisation. La maison de couture a assigné la société de vente événementielle en ligne en contrefaçon de marque devant le Tribunal judiciaire de Paris.

Pour se défendre, Showroomprivé.com a appelé en garantie ses fournisseurs, dont Luxoptics Ltd, société de droit anglais, sur le fondement d’un contrat conclu le 10 août 2020. Ce contrat prévoyait, à son article 10, une clause attributive de juridiction désignant le tribunal de commerce de Paris, désormais Tribunal des activités économiques. L’enjeu pour Luxoptics était d’obtenir que le litige contractuel avec Showroomprivé.com soit soustrait à la compétence du Tribunal judiciaire de Paris.

Les positions des parties

Luxoptics invoquait l’article 25 du règlement (UE) n° 1215/2012, dit « Bruxelles I bis », qui consacre la compétence des juridictions désignées par les parties, quel que soit leur domicile. Selon elle, l’action en garantie ne relevait pas de la contrefaçon de marque mais d’un manquement contractuel relatif à l’authenticité et à l’épuisement des droits sur les produits. Elle estimait ainsi que la clause attributive de juridiction devait recevoir plein effet.

Showroomprivé.com soutenait, au contraire, que le règlement « Bruxelles I bis » n’était pas applicable, la période de transition post-Brexit étant expirée et Luxoptics ayant son siège au Royaume-Uni. La question devait être résolue à la lumière de la Convention de La Haye du 30 juin 2005 sur les accords d’élection de for. Mais, rappelait-elle, cette convention ne permet pas de déroger aux règles françaises de compétence exclusive en matière de marques.

En se fondant sur les articles L.716-5 II et R.716-21 du Code de la propriété intellectuelle, combinés aux articles L.211-10 et D.211-6-1 du Code de l’organisation judiciaire, Showroomprivé.com soulignait que le Tribunal judiciaire de Paris dispose d’une compétence exclusive, d’ordre public, pour connaître des litiges relatifs aux marques françaises et de l’Union européenne. Elle ajoutait que son action en garantie portait précisément sur l’usage de marques enregistrées, notamment la marque de l’Union européenne verbale « Christian Dior » et les marques semi-figuratives « CD » et « Dior ».

La motivation du juge

Le juge de la mise en état rappelle que la compétence exclusive des tribunaux judiciaires spécialement désignés pour statuer sur les actions en matière de marques françaises est d’ordre public et qu’aucune clause attributive de juridiction ne peut y déroger, « fût-elle stipulée entre commerçants » (Cass. com., 9 janvier 2025, n° 23-15.842).

L’analyse du contrat entre Showroomprivé.com et Luxoptics a confirmé que l’article 6 autorisait expressément Showroomprivé.com à « utiliser et exploiter les marques, logos et signes distinctifs correspondant aux produits », et que l’article 7 garantissait leur authenticité et l’absence de restrictions à leur distribution dans l’Union européenne. Pour le tribunal, il en résultait que l’action en garantie portait directement sur les droits de marque transmis par Luxoptics, et ne pouvait être dissociée du contentieux principal en matière de propriété intellectuelle.

En conséquence, la clause attributive de compétence en faveur du tribunal de commerce de Paris a été jugée inapplicable, et l’exception d’incompétence rejetée.

Le dispositif

Par son ordonnance du 2 juillet 2025, le Tribunal judiciaire de Paris :

  • a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par Luxoptics ;
  • a rejeté sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
  • a renvoyé l’affaire à la mise en état pour examen au fond le 9 octobre 2025.

Portée de la décision

Cette décision s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle constante : la protection d’une marque de luxe ne se limite pas à sanctionner les contrefaçons manifestes, mais implique un contrôle constant sur l’authenticité des produits et leurs circuits de distribution.

En confirmant la compétence exclusive du Tribunal judiciaire de Paris, le juge réaffirme que ce contrôle ne peut être écarté par un simple accord contractuel, fût-il négocié entre professionnels aguerris.

Dans le domaine du luxe, les lunettes Dior ne sont pas de simples accessoires : elles sont un vecteur de l’image et de l’exclusivité de la marque. À ce titre, elles doivent rester, juridiquement et commercialement, dans le champ de vision de leur titulaire.

Vincent FAUCHOUX
Image de dior.com
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