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Actualité
13/11/25

Affaire SHEIN : le retour du régalien ? La boîte à outils des autorités.

Ces dernières semaines, le géant chinois de la fast-fashion Shein s’est retrouvé dans le viseur des autorités françaises. Le 7 novembre dernier, le ministère de l’Économie a annoncé l’ouverture de plusieurs procédures à l’encontre de la plateforme, accusée de vendre des produits non conformes et parfois dangereux, parmi lesquels des jouets, appareils électriques ou vêtements ne respectant pas les normes nationales et européennes.

Outre une enquête judiciaire pour la vente de poupées sexuelles à caractère pédopornographique, les autorités ont engagé une procédure administrative de suspension de la plateforme, le temps pour Shein de démontrer la conformité de l’ensemble de ses contenus.

À la suite d’une injonction de la DGCCRF, Shein a annoncé la suspension temporaire de sa marketplace, supprimant les produits illicites. Pour autant, la procédure de suspension a été déférée à la justice, et une demande d’enquête a été transmise à la Commission européenne, qui a reconnu la gravité des faits.

Ce nouvel épisode illustre une problématique désormais récurrente : la difficulté de contrôler la conformité des produits sur les marketplaces internationales, où la frontière entre vendeurs tiers et opérateurs de plateforme demeure parfois floue.

Au-delà du cas Shein, cette affaire met en lumière l’arsenal judiciaire et administratif dont disposent les autorités françaises et européennes : injonctions, retraits de produits, sanctions financières, coopérations transfrontalières ou procédures judiciaires (I) ainsi que leur articulation (II) pour encadrer les acteurs du commerce en ligne.

1. Le panel de procédures nationales

Au niveau national, deux instruments distincts peuvent être mobilisés. 

L’article L. 521-1 du Code de la consommation autorise l’administration à adresser une injonction de mise en conformité lorsqu’un professionnel commercialise des produits dangereux ou manifestement illicites.

Si le professionnel ne se conforme pas aux mesures imposées par l’administration ou en cas d’anonymat du responsable, l’article L.521-3-1 du même code autorise l’autorité administrative à ordonner des mesures de blocage ou de déréférencement du site Internet concerné. Concrètement, le juge peut ordonner aux fournisseurs d’accès à Internet de bloquer l’accès au site, ou demander aux moteurs de recherche et plateformes en ligne de supprimer les liens y renvoyant. L’objectif est d’empêcher la poursuite de la commercialisation de produits non conformes sur le territoire français, en coupant leur visibilité et leur accessibilité aux consommateurs.

Cette intervention administrative répond à une logique de prévention : elle vise à protéger les consommateurs et à assainir le marché, sans se substituer au juge ni infliger de sanction pécuniaire. Ce mécanisme avait déjà été appliqué contre Wish en 2021. Le Conseil constitutionnel avait notamment souligné dans le cadre de cette affaire (décision n° 2022-1016 QPC du 10 février 2023), que le dispositif d’injonction numérique respecte les principes constitutionnels, dès lors qu’il est proportionné et entouré de garanties procédurales.

Cette procédure administrative peut être menée indépendamment d’une action judiciaire, tout en pouvant la précéder ou la renforcer dans les cas les plus graves.

A cet effet, le ministère de l’Intérieur peut engager une procédure judiciaire sur le fondement de l’article 6-3 de la Loi pour la Confiance dans l’Économie Numérique (LCEN), tel que modifié par la loi SREN du 21 mai 2024 qui dispose que :

« Le président du tribunal judiciaire peut prescrire à toute personne mentionnée à l’article 6-I toute mesure propre à prévenir ou faire cesser un dommage causé par le contenu d’un service de communication au public en ligne. » 

Le juge peut ainsi, en statuant en procédure accélérée au fond, bloquer l’accès à tout ou partie du site, ordonner un déréférencement, ou toute autre mesure technique proportionnée afin de faire cesser un trouble grave à l’ordre public. Ces mesures préventives et temporaires ont vocation à prendre fin dès que la plateforme démontre sa mise en conformité.

2. L’articulation des procédures nationales et européennes

Au niveau européen, la procédure relève du règlement sur les services numériques (Digital Services Act, DSA). 

Deux cas de figure doivent être distingués selon l’ampleur de la plateforme : les plateformes ordinaires, soumises à la surveillance des Etats membres et du coordinateur national de chaque État membre et les Very Large Online Platforms (VLOP), directement supervisées par la Commission européenne.

Les autorités nationales assurent une surveillance constante des pratiques sur leur territoire et peuvent mener des enquêtes approfondies relatives au respect du DSA. Ce large pouvoir d’enquête et de sanction (injonctions, audits, retraits de contenus ou suspension temporaire de certains services) est mis en œuvre en collaboration directe avec le coordinateur national.

Les articles 50 et suivants du règlement prévoient la désignation dans chaque État d’un coordinateur national des services numériques, chargé de la surveillance, du signalement des manquements et de la coopération transfrontalière. En France, cette coordination a été formalisée par une convention signée le 27 juin 2024 entre l’Arcom, la CNIL et la DGCCRF, répartissant les rôles :

  • la DGCCRF supervise la sécurité et la conformité des produits et la loyauté des pratiques commerciales ;
  • l’Arcom assure la protection des mineurs et la modération des contenus illicites ;
  • la CNIL veille à la transparence algorithmique et à la protection des données personnelles.

Au surplus, le statut de VLOP impose aux plateformes des obligations renforcées telles que l’évaluation et la gestion des risques systémiques ; transparence algorithmique et publicitaire ; accès aux données pour les autorités ; audits indépendants et rapports annuels de conformité. Le règlement sur les services numériques (DSA) a instauré une coopération renforcée entre les États membres et la Commission européenne.

Toutefois, s’il pourrait être soutenu que la procédure ouverte au titre du DSA contre Shein relève exclusivement de la compétence de la Commission européenne du fait de la désignation de Shein comme VLOP (article 56§2 du DSA), cela n’exclut pour autant pas nécessairement la compétence des autorités françaises au titre de leur droit interne, notamment du Code de la consommation ou de la LCEN, celui-ci pouvant avoir des objectifs distincts selon des modalités différentes. 

La complémentarité croissante entre la régulation européenne et les instruments nationaux se confirme : loin d’être opposées, les deux sphères se renforcent mutuellement. Le Digital Services Act (DSA) institue à l’échelle du marché intérieur une responsabilité structurelle des grandes plateformes, « en établissant des règles harmonisées pour un environnement en ligne sûr, prévisible et fiable qui facilite l’innovation » (art. 1 § 1 du règlement).  En parallèle, le régulateur national conserve un rôle opérationnel. A cet effet, le droit français fournit des outils d’intervention rapide et ciblée pour protéger les consommateurs et garantir la conformité des produits ou services mis sur le marché national.

Jean-Chrisope ANDRÉ / Manou Dusserre-Trosborg / Manon MABANDA
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