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Actualité
13/11/25

ADLC / Doctolib : une sanction douloureuse. C’est grave docteur ?

Autorité de la concurrence, décision n° 25-D-06 du 6 novembre 2025

Par une décision du 6 novembre 2025, l’Autorité de la concurrence (ci-après ‘ADLC’) a sanctionné la société Doctolib à hauteur de 4 665 000 euros pour avoir abusé de sa position dominante sur les marchés de la prise de rendez-vous médicaux en ligne et des solutions technologiques de téléconsultation médicale.

1. Le contexte : une position dominante acquise dès 2017

Le marché des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne a été défini par l’ADLC comme un marché biface, mettant en relation d’un côté des professionnels de santé et de l’autre des patients. 

L’analyse de l’Autorité révèle que Doctolib, créée en 2013, détient depuis 2017 une position dominante sur le marché des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne avec plus de 50% des parts de marché, et même plus de 70% de parts de marché (en valeur, en nombre de clients ou de rendez-vous) depuis 2022.

Cette position repose notamment sur de forts effets de réseau, la notoriété de la plateforme, les importantes barrières à l’entrée et le faible contre-pouvoir de la clientèle.

Sur le marché distinct des solutions de téléconsultation médicale, Doctolib s’est également imposée comme acteur leader dès 2019, profitant de l’essor de la télémédecine pendant la crise sanitaire de la Covid-19.

En 2021, la plainte d’un concurrent a conduit l’ADLC à réaliser une opération de visite et saisie au siège de Doctolib.

2. Les pratiques en cause : exclusivités, ventes liées et acquisition prédatrice

L’instruction a mis en évidence la combinaison de trois types de comportements constitutifs d’un abus de position dominante, au sens de l’article L. 420-2 du code de commerce et de l’article 102 TFUE.

a. Clauses d’exclusivité

Entre 2017 et 2023, les contrats d’abonnement de Doctolib contenaient des clauses d’exclusivité interdisant aux praticiens de recourir à des services concurrents, sous peine de résiliation du contrat.
Ces clauses, maintenues malgré les alertes de la direction juridique interne, avaient pour effet de verrouiller l’accès au marché et de restreindre la liberté commerciale des praticiens.

b. Pratiques de ventes liées

L’Autorité a constaté que l’accès à la solution « Doctolib Téléconsultation » était conditionné à la souscription préalable au service « Doctolib Patient ». Cette vente liée, mise en œuvre activement sur le plan commercial, obligeait les praticiens à résilier tout service concurrent, renforçant la dépendance à l’écosystème Doctolib et limitant la concurrence effective. De telles pratiques ont contribué à évincer les opérateurs concurrents, qu’ils soient indépendants ou filiales de groupes de santé.

Ces ventes liées, combinées aux clauses d’exclusivité, ont permit à Doctolib de conquérir rapidement un large parc de clientèle et de rendre ses clients captifs.

Ces barrières à l’entrée ont dissuadé les concurrents potentiels, de petite taille ou adossés à de grands groupes, de développer un service analogue.

c. Acquisition prédatrice de MonDocteur

En 2018, Doctolib a procédé au rachat de son principal concurrent, MonDocteur, opération non soumise au contrôle des concentrations faute d’atteinte des seuils de notification.
L’Autorité relève le caractère prédatif de cette acquisition : des documents internes exprimaient la volonté de « tuer le produit » et de faire disparaître MonDocteur « en tant que concurrent ».
L’entreprise envisageait par ailleurs, à l’issue de l’opération, d’augmenter ses tarifs de 10 à 20 %, ce qu’elle a effectivement mis en œuvre sans impact négatif sur sa croissance. 

Cette décision constitue la première application en France de la jurisprudence Towercast (CJUE, 16 mars 2023), qui permet de sanctionner, sur le fondement de l’abus de position dominante, une opération de concentration non notifiée ayant pour objet ou effet d’évincer un concurrent. 

3. La sanction

L’Autorité a infligé une sanction globale de 4 665 000 euros, répartie comme suit :

  • 4 615 000 euros au titre des pratiques d’exclusivité et de ventes liées, qualifiées de graves car ayant conduit à verrouiller durablement les marchés ;
  • 50 000 euros pour l’acquisition prédatrice de MonDocteur, montant réduit en raison de l’incertitude juridique existant avant l’arrêt Towercast.

Tout en reconnaissant les mérites propres de Doctolib et sa contribution à la modernisation du système de santé, l’Autorité a estimé que ses pratiques avaient eu pour effet, au moins potentiel, d’évincer les concurrents et de porter atteinte à la concurrence par les mérites.

4. Portée de la décision

Cette décision s’inscrit dans une tendance jurisprudentielle récente de renforcement du contrôle des plateformes numériques dominantes, notamment dans les secteurs stratégiques tels que la santé, et elle confirme la volonté de l’Autorité de la concurrence de lutter contre les acquisitions prédatrices en appliquant la jurisprudence Towercast

La société Doctolib a déjà annoncé son intention de contester cette décision sur plusieurs points :

  • Elle détiendrait aucune position dominante sur le marché des logiciels pour soignants en ce qu’elle serait « 3 fois plus petite que nos concurrents européens » et qu’elle n’équipe aujourd’hui « que 30% des soignants français » ;
  • La clause d’exclusivité serait très ancienne (11 ans) et elle n’aurait pour seul rôle que de « prévenir un mauvais usage de notre logiciel par les soignants » ;
  • Les pratiques de ventes liées (Doctolib Téléconsultation et Doctolib Patient) seraient objectivement justifiées par la nécessité de suivre correctement les patients et fluidifier  l’activité quotidienne des soignants ;
  • L’acquisition de MonDocteur ne concernerait que 2% des soignants et serait d’une « banalité absolue dans la vie d’une entreprise ».
Stanislas CREMET / Philippe BONNET
Image par Canva
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