La décision fait suite à une saisine déposée le 25 juin 2021 par France Manche SA et The Channel Tunnel Group Limited, filiales du groupe Getlink (Eurotunnel), à l’encontre de P&O Ferries Holdings Limited et DFDS A/S. Les pratiques en cause portaient sur un accord de coopération commerciale entre P&O Ferries et DFDS relatif au partage de capacités sur la liaison Calais–Douvres, susceptible de restreindre la concurrence sur la zone transmanche de courte distance. Après instruction, l’Autorité de la concurrence a prononcé un non-lieu, estimant que les conditions d’une entente anticoncurrentielle n’étaient pas réunies.
La zone transmanche de courte distance couvre les liaisons entre la France, la Belgique et le sud de l’Angleterre, principalement Calais–Douvres et Dunkerque–Douvres. Elle concentre environ 70 % du trafic de marchandises entre le continent et le Royaume-Uni. Les principaux acteurs sont Eurotunnel (Getlink), P&O Ferries, DFDS et Irish Ferries.
Le 25 mai 2021, les deux compagnies ont conclu un accord de partage de capacités (‘capacity sharing agreement’), permettant aux camions d’embarquer sur le premier navire disponible, quelle que soit la compagnie. L’accord prévoyait la coordination des horaires, un partage proportionnel de capacité et un mécanisme de compensation financière.
À la suite de l’intervention de la Competition and Markets Authority (CMA) britannique, un accord modifié du 12 août 2022 a limité cette coopération : liberté de fixation des horaires et des capacités, limitation des annulations, et rééquilibrage restreint aux cas de force majeure.
L’Autorité a examiné la teneur, les objectifs et le contexte économique de l’accord entre DFDS et P&O Ferries. Elle a estimé que la coopération, limitée à un partage ponctuel de capacité et à une meilleure fluidité logistique, ne visait pas à restreindre la concurrence. Elle a relevé que les opérateurs demeuraient libres de fixer leurs prix, horaires et capacités, et que l’accord modifié à la suite de l’intervention de la CMA supprimait tout risque de coordination.
En l’absence d’éléments démontrant une restriction “par objet” ou “par effet”, l’Autorité a écarté toute infraction. Elle a enfin souligné que ce type d’accord peut générer des gains d’efficacité au bénéfice des transporteurs et des clients.
Les conditions d’application de l’article 101 TFUE n’étant pas réunies, aucune infraction au droit français de la concurrence n’a été constatée.
La décision clarifie le traitement des accords de coopération maritime : les accords de partage de capacités ne constituent pas, en soi, des ententes illicites s’ils ne portent pas sur les prix ni sur les parts de marché. L’Autorité adopte une approche pragmatique, reconnaissant les contraintes opérationnelles du transport maritime et la possibilité de gains d’efficacité.
Elle s’aligne sur la jurisprudence européenne (Groupement des cartes bancaires, Budapest Bank), exigeant un degré suffisant de nocivité pour qualifier une entente ‘par objet’, et préserve un équilibre entre sécurité juridique et efficacité économique.