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Actualité
9/5/23

Loi dite « Egalim III » : Nouvelles obligations en matière de négociation de la convention unique et en matière de pénalités logistiques

Le député Frédéric Descrozaille a déposé le 29 novembre 2022 une proposition de loi visant à sécuriser l’approvisionnement des Français en produits de grande consommation. Cette proposition a été définitivement adoptée et promulguée le 30 mars 2023 par la loi n° 2023-221 tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs.

L’obligation faite aux parties de signer une convention unique au 1er mars est propre à la France. Les négociations menées afin d’aboutir à cet accord sont connues pour être particulièrement dures, notamment en raison d’une asymétrie entre les parties. Afin de remédier à cela, depuis plusieurs années des textes viennent encadrer la relation commerciale entre fournisseurs et distributeurs, à l’instar des lois Egalim I et Egalim II, respectivement adoptées en 2008 et 2021.

La loi 2023-221 (parfois nommée « Egalim III ») vient dans cette mouvance compléter l’encadrement existant. À ce titre, elle (1) prévoit de nouvelles obligations pendant le déroulement des négociations, (2) prévoit les conséquences de l’absence de convention au 1er mars et (3) encadre plus strictement les pénalités logistiques.

1.  De nouvelles obligations lors de la négociation commerciale

L’article 9 de la loi vient modifier l’article L.441-4 du code de commerce, en imposant aux parties une obligation de bonne foi dans la conduite de leur négociation. Cette obligation de bonne foi, qui semble toujours utile à rappeler, s’appliquait déjà aux parties en vertu de l’article 1104 du code civil. Toutefois, l’intérêt de cette précision réside dans la sanction introduite à l’article L.442-1,5° du code de commerce par ce même article 9. Désormais, l’absence de bonne foi dans la négociation de la convention unique par l’une des parties faisant ainsi échec à la signature de la convention constitue une pratique restrictive de concurrence.

Par ailleurs, ces négociations commerciales tendues conduisaient à l’absence de négociation des conditions logistiques qui se voyaient reléguées dans une annexe sans être véritablement discutées entre les parties. Pour lutter contre cette dérive, conduisant le fournisseur à accepter des conditions défavorables, la loi est venue modifier l’article L.441-3 du code de commerce en imposant aux parties de conclure une convention portant sur les obligations en matière logistique, distincte de la convention unique. Afin de s’assurer de la négociation de cette convention logistique, celle-ci n’est pas soumise à la date butoir du 1er mars.

2.  L’absence de convention signée au 1er mars

Si l’absence de convention unique signée au 1er mars n’est dans l’intérêt ni du distributeur qui verra son offre au consommateur réduite ni du fournisseur qui subira une réduction de volume, il n’est pas rare que les parties ne parviennent pas à un accord à cette date.

En cas d’échec des négociations commerciales, le droit commun des contrats et les règles de la rupture brutale des relations commerciales établies ont vocation à s’appliquer. Ce schéma est source de complexité puisqu’en vertu du droit commun, en tant que contrat à durée déterminée (la convention étant signée nécessairement pour un, deux ou trois ans) la convention a vocation à prendre fin à son terme. Or, en vertu de l’article L.442-1, II du code de commerce relatif à la rupture brutale un préavis raisonnable doit être respecté.  

Problématique en général, en période d’inflation cette situation s’est avérée particulièrement dangereuse pour les fournisseurs qui ne parvenaient pas lors de la négociation commerciale à répercuter les hausses de coûts supportés.

Au vue de cette situation, la proposition de loi, en son article 3 entendait encadrer spécifiquement l’absence d’accord au 1er mars. L’article 3 a été au cœur de tous les débats lors des discussions entourant la proposition de loi, pour finalement aboutir à la solution posée à l’article 9 de la loi du 30 mars 2023.

Désormais, à défaut de convention conclue au plus tard le 1er mars ou dans les deux mois suivant le début de la période de commercialisation1, le fournisseur peut :

  • En l’absence de contrat nouvellement formé de mettre fin à la relation avec le fournisseur sans que ce dernier ne puisse invoquer la rupture brutale de l’article L.442-1, II du code de commerce ;
  • Demander le respect d’un préavis conformément à l’article L.442-1, II du code de commerce.

Par ailleurs, les parties peuvent conjointement décider de saisir le médiateur soit des relations agricoles soit des entreprises, afin de fixer sous son égide les conditions d’un préavis tenant compte des conditions du marché sur lequel se situent les parties. En l’absence d’accord, le fournisseur dispose de l’option susmentionnée, à savoir mettre un terme au contrat sans possibilité pour le distributeur d’invoquer la rupture brutale ou à l’inverse demander à son distributeur de respecter un préavis raisonnable.

La loi offre ce choix au seul fournisseur, le distributeur ne pourra donc pas mettre un terme au contrat sans respecter un préavis sans que le fournisseur ne puisse lui opposer une rupture brutale. Ce déséquilibre entre les parties, résulte de la volonté affichée de ne pas permettre à un distributeur de pouvoir déréférencer facilement ses fournisseurs.  Par ailleurs, on comprend de ce texte, qu’en cas de préavis raisonnable, les parties devront tenir compte des conditions économiques du marché même lorsqu’ils n’ont pas recouru au médiateur afin de respecter l’esprit de la loi.

Enfin, la sanction en cas de non-respect de la date butoir du 1er mars a été augmentée en ce qui concerne les produits de grande consommation à 200 000 euros pour une personne physique et 1 000 000 euros pour une personne morale. En cas de récidive dans un délai de deux mois, ces amendes sont respectivement portées à 400 000 euros et 2 000 000 euros.

3.  L’encadrement des pénalités logistiques

Les acteurs décrient l’utilisation abusive des pénalités logistiques par les distributeurs qui les utiliseraient comme une source de « profit » déconnectée du préjudice réellement subi. L’utilisation disproportionnée des pénalités logistiques se traduit selon certains observateurs notamment par l’application de pénalités pour quelques minutes de retard ou encore de l’application de telles pénalités pour une rupture de rayon alors que celle-ci résulte de la désorganisation interne du distributeur.

Selon l’Ania, ces excès ont conduit les pénalités logistiques à représenter entre 15 et 20% de la valeur des commandes ou encore se seraient soldées en 2021 à hauteur d’un montant de 1 800 millions d’euros.

Afin de lutter contre ces dérives, et au-delà de l’obligation nouvelle portant sur une convention logistique distincte de la convention unique, la loi du 30 mars 2023 encadre plus strictement l’application des pénalités logistiques.

Ainsi, l’article L.441-19 du code de commerce impose désormais :

  • Un plafonnement des pénalités logistiques pouvant être infligées par un distributeur à un fournisseur, à 2% de la valeur des produits commandés relevant de la catégorie de produit au sein de laquelle l’inexécution a été constatée ;
  • Une prescription d’un an pour toute réclamation portant sur le paiement de pénalités logistiques ;
  • Au distributeur d’apporter la preuve du manquement du fournisseur justifiant la pénalité et le préjudice effectivement subi en raison de ce manquement.

Enfin, en vertu de ce même article, le gouvernement est habilité en cas de crise d’une ampleur exceptionnelle affectant gravement la chaine d’approvisionnement à suspendre, par décret en conseil d’état, l’application des pénalités logistiques pour une durée de six mois.

Jean-Christophe ANDRÉ / Joséphine PERRIN

1 Pour les produits ou les services soumis à un cycle de commercialisation particulier

Image par Michal Jarmoluk de Pixabay
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