Le 23 juillet 2025, la Maison-Blanche a publié un document stratégique intitulé « Winning the Race: America’s AI Action Plan ». Ce plan d’action national en matière d’intelligence artificielle (IA) marque un changement d’approche profond par rapport à la politique menée sous l’administration précédente, en affirmant une volonté claire : faire des États-Unis le leader mondial dans le domaine de l’IA, tant sur le plan technologique qu’économique et géopolitique.
Il fait suite au décret présidentiel n°14179, signé le 23 janvier 2025, qui a notamment abrogé le précédent décret n°14110 de 2023. Ce décret initie une nouvelle doctrine fondée sur trois grands piliers : stimuler l’innovation, renforcer les infrastructures nationales, et affirmer la souveraineté américaine dans le domaine de l’IA à l’échelle internationale.
Le premier pilier du plan vise à créer un environnement favorable au développement de l’IA en supprimant les obstacles juridiques, administratifs et politiques perçus comme des freins à l’innovation.
L’administration fédérale va revoir l’ensemble des réglementations qui freinent ou ralentissent le développement de l’IA. Un appel à contributions publiques (Request for Information – RFI) est lancé pour identifier les normes à modifier. Le Bureau de la politique scientifique et technologique de la Maison-Blanche (Office of Science and Technology Policy – OSTP) et le Bureau de la gestion et du budget (Office of Management and Budget - OMB) mèneront cette révision.
L’administration affirme que « les systèmes d’IA utilisés par l’État fédéral doivent être exempts de biais idéologiques et conçus pour rechercher la vérité objective plutôt que de promouvoir des agendas sociaux ». Cela signifie que les modèles d’intelligence artificielle qui seront financés ou utilisés par l’État devront démontrer qu’ils ne sont ni orientés politiquement ni porteurs d’un discours militant, quel qu’il soit.
Ce critère sera désormais pris en compte dans les appels d’offres publics, les financements de recherche et les évaluations de conformité. Le National Institute of Standards and Technology (NIST - Institut national des normes et de la technologie) sera chargé de revoir ses référentiels techniques pour y retirer toute mention de diversité, désinformation ou changement climatique.
Le plan met l’accent sur la nécessité de favoriser les modèles à code ouvert, notamment ceux dont les paramètres sont accessibles (open-weight models), afin d’encourager l’innovation, la transparence et la recherche.
Des dispositifs d’évaluation (tests techniques, bancs d’essai, compétitions, audits) seront déployés pour mieux mesurer la performance, la fiabilité et la sécurité des systèmes d’IA. Le NIST jouera un rôle central dans la mise en place de ces outils.
Le plan prévoit également des aides fiscales à la formation, des investissements dans les compétences numériques et l’accompagnement des transitions professionnelles induites par l’IA. L’objectif affiché est de faire de l’IA un levier pour les travailleurs, et non une menace.
Le deuxième pilier du plan s’intéresse aux infrastructures matérielles nécessaires au développement massif de l’IA aux États-Unis.
Des procédures accélérées d’autorisation administrative seront mises en place pour permettre la construction rapide de centres de données, d’usines de semi-conducteurs et d’infrastructures énergétiques. Les procédures environnementales seront assouplies.
L’administration reconnaît que l’IA est le premier usage numérique qui nécessite une croissance massive de la production électrique. Le plan prévoit de moderniser et d’étendre le réseau national afin de répondre aux besoins énergétiques de l’IA.
La fabrication des puces et composants critiques pour l’IA sera relocalisée aux États-Unis. Les projets soutenus par les fonds publics dans ce domaine devront respecter des critères stricts d’indépendance stratégique.
Le plan prévoit la création de centres de données hautement sécurisés pour les usages sensibles de l’État (défense, renseignement, sécurité nationale), ainsi qu’un encadrement renforcé des normes de cybersécurité applicables à l’ensemble des infrastructures.
L’accent est mis sur les formations professionnelles aux métiers de l’électricité, de la climatisation industrielle, de l’ingénierie des réseaux et des installations critiques. Des partenariats public-privé sont encouragés dans ce domaine.
Le troisième pilier vise à affirmer la puissance géopolitique américaine dans la course mondiale à l’IA.
L’administration prévoit de soutenir activement l’exportation des technologies IA « full stack », c’est-à-dire incluant les matériels, logiciels, standards et modèles, auprès de ses alliés. Le Département du Commerce jouera un rôle clé dans ce dispositif.
De nouvelles restrictions seront mises en place pour limiter l’exportation de composants stratégiques, en particulier les puces avancées et les équipements permettant leur fabrication, notamment à destination de certains pays tiers.
Les États-Unis souhaitent jouer un rôle moteur dans les instances de normalisation internationale afin de contrecarrer l’influence croissante de la Chine. Des actions diplomatiques seront engagées auprès des organisations comme l’ONU ou l’OCDE.
Le plan prévoit la mise en œuvre de contrôles rigoureux dans le domaine de la biologie synthétique, en particulier s’agissant de la fourniture d’ADN synthétique. L’objectif est de prévenir les risques de prolifération biologique via l’usage malveillant de l’IA.
Ce plan d’action américain appelle à une vigilance particulière de la part des entreprises européennes travaillant avec des partenaires ou clients aux États-Unis. En particulier :
Le plan d’action américain de juillet 2025 constitue un tournant stratégique majeur en matière de politique publique de l’intelligence artificielle. Il mêle dérégulation, investissements massifs, recentrage idéologique et projection géopolitique. Pour les entreprises, il est à la fois porteur d’opportunités (financements, marchés publics, partenariats technologiques) et de nouveaux risques réglementaires (conformité, filtrage, sécurité). Une veille juridique et stratégique s’impose.