Le 18 juillet 2025, la Haute Cour de Delhi a rendu une décision remarquable illustrant la manière dont les juridictions indiennes appréhendent les atteintes à la réputation et à la dignité liées aux deepfakes et aux contenus générés par intelligence artificielle, dans un contexte de harcèlement numérique visant Mme Kamya Buch, universitaire et militante engagée. La procédure avait été engagée contre plusieurs catégories de défendeurs, incluant des individus anonymes, des sites pornographiques tiers ainsi que des plateformes majeures telles que X Corp (Twitter), Meta Platforms Inc. (Facebook et Instagram), Google LLC et l’Union indienne, en raison de leur rôle dans la diffusion ou l’hébergement des contenus litigieux.
La demanderesse, Mme Kamya Buch, est une universitaire et militante reconnue en Inde pour ses positions en faveur d’un usage éthique des technologies et pour son engagement dans la défense des droits des femmes et des minorités. Elle s’était récemment illustrée par des prises de parole publiques et des travaux de recherche dénonçant les biais discriminatoires des systèmes d’intelligence artificielle, ainsi que par des campagnes contre la prolifération de contenus haineux sur les réseaux sociaux.
C’est dans ce contexte qu’elle a été visée par une campagne de harcèlement numérique d’une ampleur exceptionnelle, impliquant la création et la diffusion de contenus fallacieux et profondément dégradants. Les agissements dénoncés incluaient :
Ces contenus avaient pour effet de présenter Mme Buch sous un jour obscène et de porter gravement atteinte à sa réputation, à sa dignité et à sa sécurité personnelle. L’objectif présumé des auteurs était de réduire au silence une voix critique en la discréditant publiquement et en l’exposant à la vindicte.
Représentée par Me Raghav Awasthi, Mme Buch a soutenu que :
Me Awasthi a également rappelé les obligations de diligence des intermédiaires numériques en vertu de l’Information Technology Act et des règles associées, plaidant pour une intervention urgente afin d’éviter un préjudice irréparable.
Le Delhi High Court a qualifié les contenus en cause de « révoltants, déplorables et diffamatoires », estimant qu’ils portaient une atteinte manifeste aux droits fondamentaux de Mme Buch.
Le juge a ordonné plusieurs mesures conservatoires d’une ampleur inédite :
Cette ordonnance s’inscrit dans un mouvement jurisprudentiel émergent en Inde visant à contrer les abus liés aux deepfakes et aux contenus générés par IA. Elle fait suite à plusieurs décisions rendues au cours des derniers mois pour protéger des acteurs et actrices de Bollywood, également victimes de campagnes de diffamation numérique reposant sur des technologies génératives.
Le Delhi High Court affirme ici une position particulièrement avancée, imposant une coopération immédiate des grandes plateformes et une responsabilité accrue des intermédiaires numériques. Cette approche place l’Inde à la pointe de la réflexion juridique mondiale sur la protection des droits fondamentaux face aux dérives de l’intelligence artificielle.
Cette décision illustre la nécessité pour les systèmes juridiques de s’adapter aux enjeux posés par l’IA générative et les deepfakes. Elle offre un modèle de réponse efficace et équilibrée, conciliant la protection des victimes, la liberté d’expression et les obligations des acteurs technologiques.
Elle constitue un jalon majeur pour la régulation des contenus numériques et témoigne de l’importance d’une action judiciaire rapide pour contrer les effets d’amplification des atteintes en ligne.
Cet article est rédigé par un avocat français, spécialiste en propriété intellectuelle et en intelligence artificielle. Pour tout conseil en droit indien, il est recommandé de consulter un avocat local compétent.