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Actualité
7/4/14

"Ma vie privée est ma vie privée !" (Julie Gayet)

Le Tribunal de Grande Instance de Nanterre a rendu le 27 mars 2014 sa décision dans l’affaire opposant l’actrice Julie GAYET au magazine CLOSER.

Il avait à arbitrer entre deux droits en présence et selon une formule désormais classique en jurisprudence, à privilégier l’intérêt le plus légitime : le droit à la vie privée et le droit à l’image de toute personne et ce quelle que soit sa notoriété, qui sont garantis par l’article 8 de la CEDH et l’article 9 du Code civil et le droit de la presse à l’information du public, garanti par l’article 10 de la CEDH.

Le Tribunal rappelle que « le droit à l’information du public est limité, d’une part, aux éléments relevant pour les personnes publiques de la vie officielle, d’autre part, aux informations et images volontairement livrées par les intéressés ou que justifie une actualité ou un débat d’intérêt général« .

Pour le Tribunal, l’article litigieux, présenté en couverture de Closer et qui occupe sept pages du magazine,  en annonçant que Julie Gayet entretiendrait une prétendue relation sentimentale avec François Hollande, en digressant sur les sentiments supposés qu’elle éprouve, en racontant le détail réel ou imaginaire de ses soirées et en publiant des clichés qui la montrent sur la voie publique dans des moments privés a révélé des éléments de sa vie privée.

Il a refusé de faire droit à l’argumentation de Closer selon laquelle l’annonce de la relation sentimentale qu’entretient le Président de la République, alors qu’il est officiellement engagé, relevait de l’information légitime du public au motif que l’article et les photographies litigieuses s’inscrivaient dans un débat d’intérêt général relatif aux failles de la sécurité du chef de l’Etat, au statut de la « première dame » et à l’influence de Julie Gayet sur les décisions du Président de la République.

La contribution à un débat d’intérêt général est évaluée en jurisprudence sous l’angle de la considération du droit du public d’être informé, lequel dépend de la légitimité de l’intérêt que le public peut avoir à connaître l’information.

L’information relative à la liaison entre un ministre en exercice, Jean-Louis Borloo et une journaliste vedette de la télévision a par exemple été jugée pertinente parce qu’elle illustrait ainsi « l’incidence que sont susceptibles (d’avoir) dans la formation de l’opinion les liens privilégiés entre les responsables politiques et les acteurs de la presse écrite ou télévisuelle ».

Il a également été jugé qu’un article relevant que la Ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filipetti, avait passé ses vacances de fin d’année à l’île Maurice, illustrée de photographies en petit format la représentant en maillot de bain contribuait à un débat d’intérêt général car il faisait suite à une polémique suscitée par l’interdiction que le président de la République François Hollande aurait faite à ses ministres de passer leurs vacances loin de Paris.

De même, il a été jugé que le droit à l’information du public peut justifier la révélation de l’homosexualité du secrétaire général d’un parti politique lorsqu’une telle évocation est de nature à apporter une contribution à un débat d’intérêt général en raison des orientations de ce parti sur la question de l’union de personnes de même sexe.

L’intérêt du public n’est donc légitime que s’il existe un rapport objectif entre l’information diffusée et l’exercice des fonctions ou plus généralement de l’exercice de l’activité politique.

En l’espèce, le Tribunal a estimé que, en admettant que le public pourrait être légitimement informé de l’existence d’une relation sentimentale entretenue par le président de la République en exercice, encore faudrait-il que cette révélation s’inscrive dans un article destiné à faire le lien entre cette relation et le fonctionnement de la vie politique française.

Or, l’article litigieux se borne à révéler cette prétendue relation sentimentale, à l’exception dans un bref encart des questions relatives à la sécurité du président.

Cette seule évocation n’est pas de nature à justifier, au regard du droit à l’information du public, la révélation de l’identité de Julie Gayet ni la publication des photographies la montrant dans des moments de vie privée.

Pour le Tribunal, l’article de Closer n’avait pas pour objet de rendre compte d’un fait public ou d’alimenter un débat d’intérêt général mais de satisfaire la curiosité du lectorat de la société défenderesse sur les détails supposés de la vie sentimentale de Julie Gayet.

En conséquence le Tribunal a condamné le magazine Closer à verser à Julie Gayet la somme de 15.000 euros. C’est une demi-victoire pour l’actrice et productrice, dont les droits sont reconnus, mais qui en sollicitait 50.000. Le Tribunal a pris en compte le tirage du magazine (470 000 exemplaires), sa déclinaison sur internet, le caractère intrusif de l’article, les photographies prises au téléobjectif révélant que la demanderesse a fait l’objet d’une surveillance, l’absence de complaisance de Julie Gayet sur le terrain de sa vie privée et le sentiment d’exaspération éprouvé désormais en raison de la traque dont elle fait l’objet qui la contraint à limiter ses déplacements.

Le Tribunal a également prononcé l’interdiction de toute nouvelle publication des photographies de Julie Gayet et a ordonné une publication judiciaire en couverture du magazine Closer.

Aurélie BREGOU
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