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Actualité
26/3/24

Concentration entre Groupe Canal+ et OCS/Orange Studio : l’engagement de « Chinese Wall » pour remédier à la création d’un monopsone

L’attention des praticiens et observateurs du droit de la concurrence a été attirée avec force par la décision de l’ADLC n° 24-DCC-04 du 12 janvier 2024 autorisant l’acquisition par Groupe Canal Plus (GCP) du contrôle exclusif des sociétés OCS et Orange Studio.

Si l’ADLC a déjà eu l’occasion d’accepter un engagement de type Chinese Wall dans certaines affaires de concentration horizontale, cette décision GCP/OCS ne manque pas d’interpeller en ce qu’elle consacre la possibilité d’un tel engagement en présence de la forme la plus sensible d’effets horizontaux, à savoir en l’espèce la création d’un monopole à l’achat, autrement appelé « monopsone ».

En effet, GCP et OCS constituent les deux seuls guichets de première fenêtre de diffusion payante auxquels peuvent s’adresser les producteurs de cinéma français lorsqu’ils cherchent à obtenir les préfinancements de leurs projets de films. La disparition d’OCS en tant que guichet alternatif de financement crée un risque très fort de détérioration de la diversité du cinéma français, en faisant de la nouvelle entité l’unique investisseur de première fenêtre payante de diffusion.

Afin de remédier à ce risque, l’ADLC a accepté l’engagement de GCP de maintenir une équipe d’acquisition OCS/Ciné+, dédiée au préachat de films français de première fenêtre payante auprès de producteurs français, distincte de celle de Canal+.

En présence d’effets horizontaux aussi sensibles, on aurait pu s’attendre à ce que l’ADLC refuse un tel engagement de Chinese Wall, à l’instar de sa position adoptée par exemple dans le cadre du projet de fusion entre les groupes M6 et TF1. L’ADLC indiquait à cet égard dans son communiqué du 16 septembre 2022 que :

« La proposition d’engagements comportait notamment une séparation des régies publicitaires des chaînes TF1 et M6. Les incitations de ces régies à se faire concurrence auraient toutefois été limitées par le contrôle que Bouygues aurait exercé sur elles. Le risque de hausse de prix n’aurait donc pas pu être écarté ».

En l’espèce, l’ADLC aurait pu logiquement estimer que le contrôle de Vivendi sur GCP et OCS était de nature à limiter leurs incitations à se faire concurrence et à entraîner ainsi un risque de baisse significative des prix d’achat des premières fenêtres de diffusion des films, au détriment des producteurs français.

Mais l’ADLC ne s’est pas embarrassée de ces considérations actionnariales, ce qui peut apparaître comme une incohérence que la lecture de la décision ne permet guère de dissiper, puisqu’elle se borne à indiquer de façon laconique et peu convaincante que l’engagement de Chinese Wall a été accepté en raison du « contexte particulier » de l’affaire.

Il est d’ailleurs permis de s’interroger sur l’efficacité des mesures proposées par GCP pour garantir l’effectivité du Chinese Wall, telles que la fourniture à l’équipe Ciné+/OCS des moyens propres en personnel et en budget lui permettant de préacheter des films français de première fenêtre payante auprès de producteurs français ou le maintien d’une comptabilité analytique permettant de séparer clairement les coûts et les revenus de l’équipe OCS/Ciné+ de ceux de l’équipe Canal+.

Les concurrents de GCP et OCS pourraient donc trouver matière à contester cette décision d’autorisation, mais si l’on souhaite retenir un enseignement positif de cette décision, on peut y voir un assouplissement de la politique de l’ADLC en matière de remèdes comportementaux aux effets horizontaux d’une concentration.

Évidemment, cette décision OCS ne marque pas la fin des engagements structurels mais elle nous semble néanmoins de nature à faire peser sur l’ADLC un standard de preuve plus élevé pour rejeter à l’avenir les engagements comportementaux qui seraient proposés par les entreprises pour remédier aux effets horizontaux de leurs projets de concentration.

Quoi qu’il en soit, il y a fort à parier que les opérateurs qui notifieront des concentrations horizontales, conduisant à de fortes parts de marché cumulées sur les marchés concernés, sauront se souvenir de cette décision lorsque l’ADLC exigera d’eux des remèdes structurels (cession d’actifs), plutôt que comportementaux, pour autoriser l’opération.

Philippe BONNET / Hadrien JOLIVET / Diem TRAN
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